mardi 30 décembre 2014

La brodeuse...













Je ne suis pas femme de solitude
en solitude, comme ancrée dans l'intemporel,
cet endroit d'entre deux où rien n'est tout à fait, où rien ne respire vraiment

je suis femme des multiples, d'abord duelle, aux frontières des mondes
je pense, je pleure, je chuchote les terres arides et les terres fertiles

Je ne suis pas femme de solitude, celle qui rend à la nuit les couleurs des jours,
qui fait du geste une écriture sèche, à l'âme envolée
ce lieu de tous les miroirs et du questionnement

je suis femme comme on naît homme, créature de vie, animal de sang
j'écris, je brode, je murmure à l'oreille des enfants mes langues de vie

Je ne suis pas femme de solitude
je n'ai pas de mon souffle la perception de ceux qui pensent savoir,
détenir les pouvoirs qui peignent de gris l'arc en ciel

je suis femme infinie, petite fille redevenant petite fille, dans la roue des aubes bleues
je mets mes yeux devant ma bouche et je dis à mes lèvres de me raconter l'histoire

Je ne suis pas femme en solitude, je ne peux, je ne sais pas être cela
je suis femme à aimer et femme qui enfante
dans les brumes des nuits qui offrent

je suis femme khôl, celle qui peint ses murs pour ôter les larmes
je tends le doigt et je regarde la lune

Je ne suis pas femme en solitude, celle qui broie, celle qui mange, celle qui expulse
je suis femme redevenant femme, dans la profondeur du puits
je vois l'image qui tremble de l'absolu qui est au bout, là bas, là bas

je suis femme, enfant devenant femme, femme devenant enfant
et, dans le sommeil des ailleurs, j'invente les lendemains

ils seront mon toit et mes yeux et mes murs et ma peau

et je redis, face à la porte ouverte sur l'étranger qui entre :
je suis femme, hors de toute solitude
entre et bois
allonge ton corps sur le tapis
donne moi ton langage pour que j'invente ma langue plurielle

Je ne suis pas femme de solitude

Dans l'iris de l'étranger qui dort, me voyez vous?

Mariem mint DERWICH

(Artiste : KUBICKI)

Pour mon amie Mona Mac DEE, elle qui écrit sur les nuages...

lundi 29 décembre 2014

Maux ...













Fille de rien disent tous ces mots des murs
Fille à personne chantent les cailloux
Fille pour rien dansent les vents

Fille sans sang
Fille sans peau
Fille sans coeur

Femme de l'ombre murmurent mes mémoires
Femme de la terre crient les oiseaux
Femme objet blatèrent les chameaux

Femme daba
Femme tortures
Femme calebasse

Fille des riens ricanent les biens pensants
Fille misère se moquent les yeux
Fille perdue fredonnent les langues

Fille équilibriste
Fille de l'abîme
Fille des enfers

Femme sans toit martèlent les coups
Femme sans amour tissent les vieilles femmes
Femme sans horizon soufflent la mémoire du corps

Femme de peu
Femme des abysses
Femme en apparence

Femme sans nom, sans lignées, sans honneur

Femme de rien, femme à personne, femme pour rien

Identités

Mariem mint DERWICH

(Artiste : Christopher CUSEO)




dimanche 28 décembre 2014

Je renais....













Je me lapiderai jusqu'à extraire de ma peau tous les parfums
toutes les odeurs qui furent
je m'ouvrirai, encore et encore, jusqu'à ne plus être qu'abîme,
et j'ôterai les images, les paroles, les gestes

A m'en faire saigner les yeux, je brûlerai tous les ailleurs,
je t'effacerai, ferai de toi un fantôme, pâle imitation de ce que tu fus

je me lapiderai à en danser, danser encore, enfin libérée de ta parole,
en envol, loin, très loin, par dessus les herbes hautes
je prendrai ton nom, encore et encore, mélangerai les lettres
et je gommerai ce qui fut

Dans la splendeur de la mort d'un amour mensonge
je redeviens l'enfant éblouie, la femme qui marche
celle qui dessine les nuages, celle qui porte et qui dit,
je redeviens mon corps, ma langue, mes mains, mon ventre

Je renais dans la couleur des larmes

Je renais dans cette absence
je renais dans le silence
je renais, en miroir de ce que je suis

à l'aune de tes mirages et folies
je renais

et je m'envole....

Mariem mint DERWICH

(Artiste : Christopher Cuseo)


vendredi 26 décembre 2014

Il dit....













Je pars en petits morceaux
tous ces petits morceaux pointus
ces petits morceaux de moi,
accrochée à son regard

Il dit : tu ne sais pas aimer
il dit : tu ne sais pas vivre
il dit : tu ne sais pas la douceur
il dit : tu ne sais pas les mots de l'amante
il dit : tu parles trop
il dit : tu as souvent les lettres de la colère
il dit : ta vie n'est que barrières
il dit : tu es sans être
il dit : tu demandes trop

Il dit...

Et je regarde tous ces petits papiers sur lesquels sont inscrits
les mots de l'implosion
écritures acérées
scarifiant ma peau

Je dis : je suis
Je dis : je vis
je dis : j'aime
je dis : je suis l'amoureuse, la conteuse, la femme
je dis : je suis elle et elle
je dis : je suis tatouée, en cicatrices dessinée, en fractures
je dis : je suis monstre, je suis mots et paroles
je dis : je suis langue
je dis : je cours, je m'enfuis, je reviens, je veux

je dis tout cela et je cours après les morceaux de moi
je les empoigne, exige d'eux qu'ils redeviennent un tout
qu'ils redeviennent ma vie

je dis les choses du plaisir et celles de la douleur
les choses qui font pleurer, sangloter, arrimée aux spasmes
je dis les choses de la peau et du ventre

je dis : j'ai le coeur comme une aurore
je dis : j'ai le corps comme un voyage
je dis : je pense, je pense, je pense
je dis : je ressens, sensitive de l'ombre
je dis : j'ai l'abandon en mémoire
je dis : je prie

Quand, enfin, enfin, Mon Dieu, Mon Dieu, Mon Dieu
serais je celle là qui donne les envies du monde?
Quand serais je, enfin, enfin, à aimer?

Peut on se créer de l'obscurité?

Mon Dieu, Mon Dieu, Mon Dieu....

Mariem mint DERWICH

(Artiste : Guy DENNING)

mardi 23 décembre 2014

L'amante













Je décline ton nom sur le livre de ma peau
et je te raconte mes histoires, petits mots, petites lettres,
mes histoires du jour, mes contes de la nuit

je deviens l'eau sur ta bouche et, goutte qui roule,
je tatoue les virgules et les points des phrases tues

Je fais de tes murmures, de tes silences, une immensité
douloureuse et chaude
et je me replie dans ma voix qui monte du fonds de mon ventre
je te chantonne et me berce

je deviens le sel sur ta langue et, épine sucrée,
je lance aux vents tous mes désirs

Je fais de tes amours, de tes absences, une voile
à l'horizon déployée
et je me berce, encore et encore, dans les silences du monde
je te pleure pour ne plus t'aimer

je deviens le mot premier, celui qui enfante les matins
j'ouvre mes mains et j'empoigne le ciel

Je fais de tes vies ma broderie infinie
je couds les points sur tes yeux, fils de couleur, fils de nuit
et je me balance dans ma voix qui pleure
petite fille devenue soudain femme

je deviens le mot dernier, celui qui enferme les amants,
je me déploie, je tourne sur moi même et je ferme les yeux

Je fais de tes murs des arabesques posées à mes fenêtres
je te pose sur mes jambes, là où le monde s'ouvre
et je couche ma tête dans la splendeur d'une heure nouvelle
femme devenue soudain petite fille

je deviens les odeurs qui essaiment, celles des fleurs qui osent
je me démultiplie le long des miroirs et j'arpente les chemins

je fais de ton cou mon instant d'éternité

Entends mes mains qui parlent, qui écrivent
elles sont mains de femme, elles sont mains des mondes,
elles sont mains qui portent
elles sont mains amantes, sensuelles, plurielles

Elles sont mains sur mon visage refermées
et tu y dors

Mariem mint DERWICH

(Artiste : Claire Villeret)

lundi 22 décembre 2014

Amour













J'ai tous les mots de l'amour
les mots du bout du monde
et les mots de la peau

Ceux que l'on effleure avec les lèvres
ceux qui caressent et ceux qui brodent

Je les porte comme des nuits bleues
en mes mains je les berce
et dans les jours de silence je les écris sur les murs

Ils chantent les corps et tous les papiers
les routes oubliées
et les maisons aux volets abandonnés

Je les porte, je les porte, je les porte
je les imprime dans mes yeux
et les dessine sur ma langue amoureuse

J'ai tous les amours des mondes
ceux des terres lointaines et des danses lumineuses

Ils sont murmures de femme

Je me replie sur mon ventre
je m'endors dans mes mots
je façonne les chuchotis de l'aube

Je les offre, je les pose sur les cils de celui qui entend
je lui ouvre le mot et tous les autres mots
je lui dis les paroles qui s'envolent
et les paroles qui brûlent

J'ai tous les mots de l'amour en partage
en offrande
à déposer sur la bouche d'un homme

J'ai tout cet amour immense, tellement immense
tellement immense

et je dis : entends les mots du bout de soi
ceux des intimités

J'ai tous les mots de l'amour en moi
et je les chanterai à celui qui est,
entre mes seins endormi,
à la frontière du jour

J'ai tous les mots des amours animales
des amours douceur

Entends les!

Mariem mint DERWICH

(Artiste : Graham Dean)


mercredi 10 décembre 2014

Inspirations...













Je marche sur le fil de ma langue
petits pas, petits pas,
je marche le long de la falaise
et je sème mes vies

J'ai en mes mains enfermé les instants d'ailleurs
coquillages qui soufflent leurs odeurs marines
chuchotant à mes oreilles les histoires du fonds de la mer

Dans mes cheveux j'ai tressé les comptines des hommes
je les écoute me sculpter toutes les vies et tous les regards

Je marche sur le fil de ma peau
sur la pointe des pieds je m'invente une danse
je marche au bord de mes cils
et je dessine les horizons passés

j'ai en mon ventre roulé l'amour, aimé l'amour
enfantements perpétuels repliés sur leurs coeurs
murmurant à mon cou les possibles cachés

Dans ma voix et ma langue et mes mots et mes multitudes frissonnantes
j'ai posé l'homme

Je marche, marche encore, petite fille et femme
en tourbillons de mes jambes, empoignée aux volants de ma jupe,
encerclée en bracelets de chevilles
je marche comme on inspire

et j'ouvre les bras, mes jambes, ma bouche, mes lèvres
je les ouvre jusqu'à devenir statue
et je porte mon amour

Je respire le vent salé
et dans les eaux je me lave

Inspirations.....

Mariem mint DERWICH

(Artiste : Aziz Kacimi el Hasssani)


mardi 9 décembre 2014

Mots en écritures...














Grimper, grimper, comme des mots,
des syllabes, des sons
corps en écriture
yeux liquides

Grimper, grimper, au bout de la langue,
tisser les phrases, les lettres endormies
mains en éventail
coeur tam tam

Grimper, grimper, tout au long des jambes,
dessiner l'arc en ciel
paupières teintées
silences des profondeurs

Grimper, écrire, écrire encore
des poèmes en envolées
notes jetées
papiers de couleurs

Grimper, inscrire, tisser,
tisser encore les voix qui viennent
les voix qui vont, les voix qui chantent
somptuosité de la peau en mots dépliée

Grimper, lettre après lettre, au sommet des arbres
regarder la plaine et les hommes
brûler ses yeux aux mirages bleus
chorégraphie des ailes de papillons en accents effleurés

Grimper, tout en haut, en ma langue soudain vivante
enfermer en mes paumes les souvenirs d'autres notules
les traces menues des sangs qui sont miens
grimper et écrire, écrire jusqu'à l'abîme

Ecrire le tout, écrire le rien, écrire les rires et les larmes,
dormir sur l'épaule de la lune
écrire les mots de la femme
les mots des voiles

les mots dévoilés

Ecrire, comme en magie du commencement
là où les sables ne sont qu'immensités

Ecrire, grimper, sculpter, empoigner, dire, dire encore
dire jusqu'à la déraison des infinités

Dire et écrire

et tourner, tourner, paumes au ciel
en offrandes de mots.

Dire et écrire les mots vivants

Les mots des mondes

Mariem mint DERWICH

(Artiste : Mahi BINEBINE)




dimanche 7 décembre 2014

Un battement de coeur perdu...













J'ai le coeur au bord des lèvres
étoffe suspendue aux vents
ceux qui touchent, ceux qui essorent
j'ai le coeur comme une main sur les yeux
en mots déchirés

J'ai la bouche au bord de la fenêtre
et j'inspire, j'inspire
toutes les odeurs et tous les rires
j'empoigne les couleurs de mes respirations
et je les émiette à la lueur des mes intérieurs

J'ai la peau en voyages éternels
et je la touche, je la griffe, je la caresse
tous les gestes et tous les ailleurs
le plaisir tapi au fonds de mon ventre
crépuscules des corps

J'ai les mains en ailes envolées
orphelines de toutes les lumières
et je lance mes mains à la face des statues
je sculpte leurs flancs
pour retrouver mon sens

J'ai mes mots du sombre, mots de l'obscurité
et j'écris, j'écris sur tous les tableaux
j'écris mes douleurs
j'avale l'amer
j'écris comme on a peur

J'ai le coeur au bord des lèvres,
en ma vie, acrobate des lendemains
il saute et saute encore
jusqu'au Pierrot qui regarde la lune
je le pose en mon cou

tatouages infinis

j'ai le coeur ainsi fait
qu'il est immense, étoiles,

j'ai le coeur douloureux
coeur de tous les espaces et de tous les voyages
j'ai le coeur qui implose
le coeur qui saute un battement

et dans ce battement perdu, il y a tous mes abîmes


Mariem mint DERWICH

(Artiste : Patrick SINGH)

vendredi 5 décembre 2014

Mémoire...













J'ai la mémoire des mondes
la mémoire des matins de lumière
la mémoire des promenades
au bout des chemins, traces sur le ciel imprimées

J'ai la mémoire du corps
la mémoire des mains
la mémoire des gestes
animaux familiers, brodés au bout de la peau

J'ai la mémoire des odeurs
la mémoire des musiques
la mémoire des lèvres

j'ai la mémoire des petites choses
et des grandes choses
de toutes les histoires, celle des contes
et celle des toujours, des serments, des amours

J'arpente mes lieux de mémoire
exilée à moi même
je dessine les murs de souffrance
effleurant les fleurs de nuit

J'arpente mes lieux de mémoire

Immenses déserts, oueds, oasis, ergs, sillons, montagnes
J'arpente et je fredonne ce qui n'a pas été
je chante les notes de l'abîme
j'ai la mémoire des mots

J'ai la mémoire en éclats lumineux
yeux fermés, repliés sur les cils endormis
mémoire du plaisir, mémoire des usures
je tisse ma mémoire à l'immensité des rêves

j'arpente, j'arpente, je marche dans ma mémoire
et je prends la main du ciel
je m'allonge à la porte des hommes
je leur dis mes mots de mémoire
je leur dis "entendez donc le chant de mes mondes;
entendez la femme qui pleure, ouvrez vos bouches au vent du large;
entendez la femme sans traces; ouvrez vos portes"

J'arpente mes lieux de mémoire

Une petite fille m'y attend, atome tournoyé,
Elle me dit, cette petite fille estompée :
" Te voici enfin, toi la femme que je serai."

J'arpente mes lieux de mémoire et je me donne une vie
je pose mes mains sur les yeux de l'enfant qui parle
et lui murmure : " pardon".

Mariem mint DERWICH

(Artiste : David WALKER)

lundi 1 décembre 2014

Parce que l'amour d'un homme.....













Je danse
je danse parce que l'amour d'un homme
est musique
est rondes
est espaces et nuits et jours

Je danse les heures, les minutes, les secondes
celles qui enfantent le plaisir
et celles qui jouent

Je danse, en notes, en harmoniques
et je touche du bout des lèvres
les mots de l'amour
les mots de l'amant
les mots du corps
et les mots de pluie

Je danse dans les regards aux nuages offerts
oiseau de feu
à l'orée de sa vie, posée en tapis couleurs

Je danse parce que l'amour d'un homme
est chansons de gestes
palabres de l'ombre
je danse les murs, les horizons, les miroirs
et les chants de l'intérieur

Je danse, je danse
danse infinie, comme une prière de l'aurore
brodée dans ses mots
tissée dans sa mémoire
et toutes les mémoires
à la porte des caravanes je danse et je dis

je dis mes danses de l'amour de cet homme

Je danse pour lui, dans la moiteur des pages de nos vies

Je pose mon front et mes yeux et ma langue et tout ce qui est devant
et tout ce qui est derrière
et tout ce qui viendra dans les vents des lendemains
je pose mon corps aux frontières de son amour

Je danse, je ferme les yeux

Je danse l'amour de cet homme

Mariem mint DERWICH

(Artiste : Helen Abbas)