mardi 24 janvier 2012

Regarde moi !

Regarde moi !
J'ai dansé dans les jardins d'Aranjuez
J'ai brodé le monde à la coupe de mon ventre
J'ai hanté les mémoires des hommes des caravanes
J'ai dormi sur la langue de Nizar Qabani
J'ai roulé sur les paupières d'Ousmane Diagana
J'ai ciselé les cuisses de Senghor

Regarde moi !
J'ai brûlé Omar Khayyam
J'ai tourné sur la peau de Djalal od Din Rûmi
j'ai volé sur la voix d'Oum kalthoum
J'ai griffé les cordes des tidinit
et les les arabesques du t'bol
J'ai foulé la pudeur

Regarde moi !
J'ai été étoiles et servante
J'ai été celle que tu as lapidé
J'ai été ta mère et ta femme et ta soeur
J'ai été Awa et Bilqis et Schéhérazade
Et Leyla et Majnoun
J'ai été le croissant de lune et la croix

Regarde moi !
J'ai été ta vie
Je suis devenue ta peur, ta mort, ton péché, tes expiations
Le fouet de la censure

Regarde moi toi qui ne me vois plus
Toi qui m'efface de tes mémoires en excisant en moi la beauté
Toi qui voudrais crever mes yeux et couper ma chevelure
et gommer jusqu'au néant ma peau et mes dents

Regarde moi toi qui ne crains pas la Mort
mais fuis devant moi
Toi qui me vomis tout en espérant me posséder dans ton paradis
remodelée à la mesure de tes fantasmes

Regarde moi !
Tu me tues
Et tu ne me vois pas...

Salomé


jeudi 19 janvier 2012

Je...



Je suis une, duelle ,plurielle, en brisures d'atomes
sur l'infini de ta peau

à l'orée de ton cou mes "tout" rassemblés,
blessure des gestes

Je suis une, duelle, plurielle, en brisures aigues
sur l'infini de tes mémoires

à l'orée de tes mains mes ailleurs éparpillés
peau scarifiée

je suis l'autre, repliée, roulée,
déployée soudain
comme une peau sanglante

Je suis une, duelle, plurielle, en stigmates d'étoiles
sur l'infini de tes mots

à l'orée de mes prières tes envols d'avant
houle des hanches

Je suis une,duelle, plurielle, en poussière de sable
dans le refuge de ton cou

Je m'envole dans l'éparpillement de mes mémoires
de douleur

Je suis celle là....

Salomé

dimanche 15 janvier 2012

Lettre à toi qui te reconnaîtra ( seconde partie et fin...)

Sinon, dans ton bout de Sahara, rien n’a vraiment changé ici. C’est ton pays que tu connais. Selon l’AMI, son excellence ( peu importe, le discours est le même depuis 20 ans de toute façon, je suis sure qu’ils commencent à faire du copier coller lol) serre des mains, « idechen » des projets, nous souhaitent bon ramadan, bonne fête du ramadan, met des costumes plus grands que lui, met des lunettes de cow boy. Mais je devrais pas dire ça du président des pauvres ( des pauvres de quoi ? d’esprit ?), il fait ce qu’il peut ye weylou. Attends, l’Azerbadjan, Chavez, Alger, l’Afrique du Sud. Il ne veut pas faire comme les autres. C’est un original ! c’est le Lady Gaga de la politique extérieure ! ne ris pas ! pense à son premier succès, c’était poker face ( Sidi Ould Cheikh Abdallahi, t’aurais du écouter un peu plus les hits parades lol) !
Il a du bon. J’avoue : déjà, il ne trimballe pas sa madame partout. En plus, il a pas une moustache faciale (moustache qui couvre quasiment tout le visage). Et tu me connais, les petits ventres, je trouve ça attendrissant. Et j’avais oublié l’essentiel : il fait des goudrons ! partout ! bientôt entre ta salle de bain et ta chambre, tu pourras avoir un goudron. Pas sure que t’es de l’eau dans ta douche par contre, les pompes d’aftout esahli explose un peu partout en ville. Mais tu pourras rouler.
Il nomme, dénomme, surnomme des messieurs avec des têtes de déjà vu ailleurs.
Les grognons sont toujours les mêmes. Juste certains qui grognent moins que d’habitude. C’est difficile de grogner la bouche pleine (Messoud, si tu nous écoute…).
La vie est de plus en plus chère. Mais tu connais les mauritaniens, on se plaint, mais on gère nos obligations sociales du mieux qu’on peut. On garde la face.
Certaines coutumes tiennent bons. De nouvelles se sont créées. C’est une société en pleine mutation, comme Nouakchott, éternel chantier. Mais c’est à pas de tortues. Dans un silence strident. On va quelque part ; c’est sur. Pas sur que ce soit dans le bon sens !
...

"Pour l'enfant, amoureux de cartes et d'estampes,
L'univers est égal à son vaste appétit.
Ah ! que le monde est grand à la clarté des lampes !
Aux yeux du souvenir que le monde est petit !

Un matin nous partons, le cerveau plein de flamme,
Le coeur gros de rancune et de désirs amers,
Et nous allons, suivant le rythme de la lame,
Berçant notre infini sur le fini des mers :

Les uns, joyeux de fuir une patrie infâme ;
D'autres, l'horreur de leurs berceaux, et quelques-uns,
Astrologues noyés dans les yeux d'une femme,
La Circé tyrannique aux dangereux parfums.

Pour n'être pas changés en bêtes, ils s'enivrent
D'espace et de lumière et de cieux embrasés ;
La glace qui les mord, les soleils qui les cuivrent,
Effacent lentement la marque des baisers.

Mais les vrais voyageurs sont ceux-là seuls qui partent
Pour partir, coeurs légers, semblables aux ballons,
De leur fatalité jamais ils ne s'écartent,
Et, sans savoir pourquoi, disent toujours : Allons !

Singulière fortune où le but se déplace,
Et, n'étant nulle part, peut être n'importe où !
Où l'homme, dont jamais l'espérance n'est lasse,
Pour trouver le repos court toujours comme un fou !
Le Lotus parfumé ! c'est ici qu'on vendange
Les fruits miraculeux dont votre coeur a faim ;
Venez vous enivrer de la douceur étrange
De cette après-midi qui n'a jamais de fin ? "

C. Baudelaire, extrait du "voyage"

Séphora

jeudi 12 janvier 2012

Je regarde M....


Je regarde M., son corps puissant tout en déliés et pleins. Je la regarde bouger, rire, bouder parfois... M. est une jeune femme, veuve trop tôt, mère...
Je regarde M. avec sa féminité et ses rondeurs. Ses hanches qui ont porté, son ventre, ses bras, son cou.
Je vois ses jambes fermes et ses sourires.
Je regarde M. et ses coquetteries de petite fille, la pudeur, parfois, du regard qui se baisse et va se poser quelque part où personne n'a le droit de cité, contrée qui ne lui appartient qu'à elle.
Que voit elle quand son regard s'enfuit ainsi? Quels rêves, quels envies, quels mondes merveilleux arpente t'elle dans la solitude de son veuvage et dans le néant des années qui vont venir ?
Quel homme imagine t'elle? Celui qui viendrait recréer sa féminité et lui offrir une nouvelle vie, elle dont le premier mari est parti trop tôt et dont elle partage le souvenir avec sa co épouse, et ses enfants restés là bas, au village...?
M. vit. M. est morte. M. est seule.
M. regarde t'elle les années qui viennent et ce temps monotone qu'elle émiettera lentement, grain après grain, dans la solitude du corps jeune qu'aucune main ne viendra caresser et faire renaître aux sentiments ?
M. a une quarantaine d'années. Elle a cette beauté timide des femmes qui ont enfanté.
Et cette solitude gravée au coin des yeux.
M. répéte tous les jours les mêmes gestes du quotidien, tapis qu'elle tisse patiemment. La patience elle connait. Depuis la plus tendre enfance on lui appris la patience. Etre femme ne se peut sans la patience.
Et les attentes, et les renoncements. Elevée, formatée, sculptée dans l'attente de l'aboutissement ultime, celui enseigné par les femmes de sa famille, le mariage, les enfants, servir un homme, son homme, enfanter....
M. a suivi le chemin qu'ont emprunté avant elle des milliers de femmes, foulant la poussière et ne regardant pas les côtés et les déviations.
M. fut, car mariée et mère. Même si elle a partagé son homme avec une autre femme ( "chez nous c'est comme ça") elle avait atteint la plénitude d'une famille nouvelle, d'un toit, d'une nouvelle identité.
Mais son homme est mort et M. est là, avec ses souvenirs et ses enfants.
Sa peine s'est atténuée et elle a repris la trame du tapis de son enfance et de son adolescence.
M. est patiente.
Et espère l'hypothétique homme bon qui voudra bien d'elle à nouveau. D'elle et de ses enfants.
Hypothétique car qui acceptera de regarder M. avec ses enfants? Qui verra en elle la femme de chair sans se refuser les bouches à nourrir? Quel homme bon verra M. comme un être humain et la prendra elle et ses enfants sans ergoter sur le coût de prendre ses enfants?
Quel homme posera un jour son corps sur le corps vivant de M. et célèbrera sa féminité et sa vie sans penser d'abord " bouches à nourrir"?
Car, chez nous, M. n'est pas seulement veuve. Elle est mère de plusieurs enfants et ceux ci, de bénédiction sont maitenant envisagés comme "coût" économique...
Terrible veuvage des femmes jeunes qui apprennent, avec la perte de leur mari, la solitude et la mort du corps et des désirs.
Je regarde M. et pleure sa féminité perdue et les siècles de solitude qui l'attendent.
Je regarde M. et touche du bout de ma mémoire ses rêves cachés.
Je regarde M. et effleure ce corps puissant veuf jusqu'au dernier souffle, arcbouté dans la moiteur des nuits où il crie sa présence.
Je pleure cette société où M., femme et mère de 5 enfants, va s'étioler et voir mourir ses désirs, s'effacer jusqu'à disparaître, annihiler ses envols....
Je regarde M. qui , parce qu'elle a 5 enfants, ne trouvera surement pas un homme qui la prenne...
Je regarde M. en agonie....
Salomé.



mercredi 11 janvier 2012

Lettre à toi qui te reconnaîtra (première partie)...


Tu es loin, alors je t’écris pour te tenir informée de ce qui se passe ici. Ne pas vivre ici, avec les tiens et tiennes te donne l’impression que Mauritaniland est un paradis. Tu as le luxe douloureux de l’exil, celui de rêver, de fantasmer une ville qui serait en partie comme dans tes souvenirs d’enfants, mais aussi moderne à ses heures perdues ( vers 11h quoi lol).
Alors j’ai décidé, de te gâcher ce plaisir là. Qui châtie bien aime bien, dit le dicton.
Je vais te conter cette ville comme je la vois. De mes yeux mi attendris par un pays et des gens que j’aime, mi attristés par les attitudes des gens et par l’état de ce territoire entre le Maroc et le Sénégal ( Big up à tous ceux/ celles qui ont du expliquer une fois dans leur vie ou se trouve la Mauritanie).
Tu me parles souvent de tes amours d’antan. De ces moments volés d’adolescente dans une ruelle sombre où, le cœur à la chamade, une caresse sur ta main t’a transportée. Tu t’en souviens encore de ce premier baiser, lèvres serrées mais brulantes comme après un verre de thé, un millième de seconde que tu as cru avoir le pouvoir de changer une vie.

J’aime écouter ces histoires là, parce qu’elles me rappellent qu’il y a eu un temps avant aujourd’hui.

Aujourd’hui, aucune fille, à l’aube de sa feminité, ne s’émeut d’un baiser. Internet et la télévision ont eu raison de cette innocence, à grands coups de clips de rap américain (naissance de la bitchitude), de films pornos (apogée du fantasme animalier), de feuilletons tous horizons (Mexique : je résume pour les incultes héroine pauvre tombe amoureuse du milliardaire, qui découvre que son père n’est pas son père et que sa mère ne le sait pas ! Fernandel si tu nous écoutes ! Turque : la méchante est en fait une gentille, l’homme qu’elle aime sera défiguré mais est, en fait, un agent secret du Mossad qui lutte contre les gangs d’Istanbul). Cette fille là, on lui a déjà dicté son comportement, ce qu’elle est sensée ressentir, faire. Elle sait comment faire plaisir aux hommes, comment les utiliser. Il n’y a plus de lowzars, il n’y a plus de barbies, elles passent de l’enfance à l’âge adulte. Les hommes sont les jouets. Cette attitude est aidée par les vestiges de notre culture maure qui nous poussaient, nous femmes, autrefois objets de désirs intouchables et inavouables, à ne jamais s’attacher.
Alors, elles, leurs corps portant encore les traces de l’enfance, jouent les tigresses; appâtent, guettent se jettent sur leurs proies. Il fait bon ne pas avoir de limites. Ces petites en perte totale de repères, ne veulent plus ressembler à la mauresque. Génération maouiya oblige ( de ta tour au Qatar, si tu nous entends !), l’école n’a plus aucun intérêt. On y a apprend rien, que les profs daignent venir ou non. Et puis à quoi ca servirait, elles savent bien, que celles et que ceux qui font la pluie et le beau temps à Nouakchott, en politique, comme dans les salons n’ont pas aplati leurs postérieurs sur des bancs...
Tu serais étonnée ! tu aurais du mal à comprendre. Il y a un tel décalage entre elles et nous ! je ne dis pas qu’elles sont perverses. Je ne le pense pas. Pour la plupart, cela fait juste partie d’une quête d’identité, d’une recherche de soi, dans ce « bordel » (je sais que tu me permettrais l’expression) qu’est Nouakchott. Un masque de plus à porter. Nous aussi, nous avions nos masques. Sauf que le soir venu, après toutes les représentations, nous les enlevions, et nous retrouvions notre nous.
En même temps, je dis ça, mais nous sommes foncièrement pareilles. Nous cherchons toutes un moyen de se sentir femme, de se sentir aimée avant d’être désirée. Il y a des fois, ou j’aimerai avoir une pancarte sur ma melehfa qui dit « les gars, oui, j’ai des fesses, des seins, mais ce serait gentil de faire semblant de vous intéresser à autre chose ».
...
(à suivre...)

Séphora

mardi 3 janvier 2012

Homo Mauritanicus...

Parler des relations amoureuses ou, tout simplement, hommes / femmes chez nous revient quasiment tout le temps à parler d'hypocrisie. L'hypocrisie comme définition, ou re-définition, des rapports humains, des rapports amoureux ou juste "sexuels". Cette hypocrisie qui fausse les échanges et fait des femmes les victimes non consentantes mais obligées de discours manipulateurs.
Car il ne faut pas se tromper de cible : ce sont bien les femmes qui sont victimes de ce jeu pervers et nauséabond qui fait d'elles des objets, ceux à conquérir d'abord. Puis à "consommer" comme on consomme une gourmandise. Et, enfin, à jeter, comme on jette un mouchoir sale.
Le prototype de l'hypocrite "amoureux", si courant chez nous, est celui que l'on pourrait appeler le "pervers manipulateur", centré sur un but unique : la recherche d'un plaisir sexuel non tarifé, hors sentiers "matrimoniaux". Car, souvent, cet homme là est marié mais drague partout... Ce qui, chez nous, est d'une banalité affligeante.
Les relations dites sexuelles prennent alors une dimension quasi ésotérique. Rien n'est jamais simple.
Première hypocrisie : la non consommation. Beaucoup de nos hommes sont les champions du " je te prends sans te prendre". Cette étonnante propension à mettre de l'hypocrisie partout semble être une norme.
Le "pervers manipulateur" cherche le plaisir tout en essayant de faire s'accorder une pseudo morale religieuse. "Je ne te pénètre pas donc je ne trompe pas ma moitié et je ne suis pas dans le haram". A lui les jeux "oraux", les discours culpabilisateurs, la destruction systématique de l'image que la femme a d'elle même. Cette dernière n'a d'autre choix que soit accepter et  rentrer alors dans un cycle douloureux de questionnements, soit  refuser et, ainsi  se sauver psychologiquement. Car, dans ce jeu terrifiant du " pas de pénétration" c'est l'homme qui décide, c'est l'homme qui impose, c'est l'homme qui est centre, questions, réponses, exigences.
Pas de place, chez lui, pour l'écoute de sa compagne occasionnelle ou habituelle. Toujours ce même discours masculin du " Moi, Je".
Après l'acceptation forcée de la non consommation viennent ensuite les hypocrisies effarantes. Car, dans ce genre de relations, on n'est jamais loin de la schizophrénie pseudo religieuse. Si la pénétration classique est refusée, la pénétration anale est sollicitée. Sans parler de la fellation.
Toujours en faisant le grand écart entre un présupposé Haram et un encore plus présupposé Hallal.
Quelle hypocrisie religieuse que cette analité revendiquée ! Un summum de perversions mentales...
Nos hommes expliquent souvent qu'ils ne "trompent" pas leurs légitimes en pratiquant l'analité! Mais qu'ils les "tromperaient" en pénétrant leur conquête de la façon la plus simple qu'il soit.
Combien de nos femmes ont accepté ce jeu contraintes et forcées, pensant ainsi retenir un homme. Combien ont, après coup, ressenti une immense sensation de dégout, d'horreur d'elles mêmes? Combien ont pleuré?
Ces hommes qui ne jouissent que dans la négation des femmes.... Le meurtre symbolique des femmes...
Et, hypocrisie suprême, le Pélerinage après tant de perversités... Car, le pervers manipulateur, va en Pélerinage, abandonnant à son sort sa ou ses compagnes du moment, leur faisant porter des culpabilités qui ne sont pas à elles, dont elles ne sont responsables en rien. Jusqu'au bout, dans ces relations, la femme est celle par qui le péché arrive, celle qui détourne l'homme supposé de bien du droit chemin, celle qui accepte toutes les perversions et qui souille l'homme. La  femme putain...
Si le phénomène était minoritaire nous pourrions en rire. Il est, malheureusement, très en vogue, en particulier dans la société maure. La nouvelle société maure, instruite, mondialisée.
L'égoïsme, la vanité, les déviances, comme terreau des relations. L'homme nouveau de Mauritanie a quelque chose qui ne va pas...
Il se construit sur les cadavres symboliques des femmes. Il ne vit que dans un rapport dominant dominé hypocrite. Il crée sa morale.
Il ne jouit que dans son irrespect pour les femmes...
Salomé.