jeudi 28 avril 2011

Les mots...



Je n'aurais jamais assez de mots pour dire les brisures, les rencontres, les carrefours et les vies multiples que nous portons toutes en nous. Chez nous les femmes écrivent si peu que ça en devient douloureux. Elles ne disent pas. Elles sentent mais ne couchent pas sur le papier leurs tourments ou même leurs bonheurs.

Elles n'ont pas cette liberté, hormis celle de faire de la poésie, pour pouvoir se coucher dans un livre. A coeur ouvert, à se raconter avec les mots du ventre et non pas avec les mots des convenances. A crier jusqu'à faire éclater les torpeurs et les diktats moraux. A être femmes, tout simplement, sans avoir peur d'être cataloguées ou montrées du doigt, enfermées dans la camisole de force de la bienséance. Cette horreur qui fait de nous des excisées des mots.

Les mots / maux des femmes se racontent à voix gaies ou tristes entre femmes. Ils se chuchotent comme des secrets. Ils s'envolent dans les vents et ne restent jamais à survivre dans les pages blanches d'un livre.

Les femmes se dessinent une trame imaginaire où leurs vies fantasmées sont explosées comme des mangues trop mures.

Dans l'intimité de l'amitié et des corps féminins, parfums, odeurs, rires, sourires, humour ou larmes, elles déclinent les mille et une prisons de leurs mémoires. Elles deviennent autres, autres femmes parmi d'autres femmes.

Les voiles tombent, les cous se révèlent, les jambes prennent vie, les mains dansent des envols d'oiseaux.

Ces femmes qui parlent comme ailleurs on écrirait dansent la moiteur des secrets.

Et moi je les regarde, fascinée par ces peaux qui naissent, les yeux fixés sur l'attache émouvante de l'épaule et du cou, ce lieu parfumé où, enfant, je mettais mon nez et restais là à humer l'odeur de ma mère.

Et où, adulte, femme, amoureuse, amie, j'aime poser ma joue et retrouver le chaleur de la peau et cette odeur particulière. Le cou d'un homme est si émouvant.

Je reste assise là à regarder ces femmes danser leurs vies et inventer des langages fleuris et je ne pense que "odeurs, chatouillis, caresses".

Elles sont si belles ces femmes de vie qui, dans la pesanteur des conventions, réinventent leurs corps.

Et j'écris pour elles. Mes mots pour ces moments d'éternité.

Oh toi, mon autre, n'as tu jamais mis tes lèvres dans leurs cous et humé les parfums de liberté?

As tu entendu les murmures des femmes?

As tu étendu ton corps sur ces bateaux attachés?

Ou bien n'as tu senti que les masques?

Alors pose ta bouche dans mon cou et écoute les mots qui s'envolent puisque pas emprisonnés entre les pages d'un livre. Ecoute ces mots fugaces.

Et dis moi, toi aussi, dis moi les mots des hommes...

Salomé



jeudi 21 avril 2011

Kalimat...


Il me fait entendre...quand il me fait danser
Des mots, qui ne sont pas comme tous les mots
Il me prend d'au dessous de mes bras
Il me plante dans un des nuages
Et la pluie noire dans mes yeux
Il me prend avec lui...il me prend
Pour une soirée de bal rose
Et moi, comme une petite fille dans sa main
Comme un plume prise dans les airs
Il m'apporte sept lunes
Et un bouquet de chansons
Il m'offre un soleil...il m'offre
Un été...et un escadron d'hirondelles
Il m'informe que je suis son chef d'oeuvre
Et que je vaux des milliers d'étoiles
Et que je suis un trésor...et que je suis
Le plus beau tableau qu'il ait vu
Il raconte des choses qui m'étourdissent
Qui me font oublier le bal et les pas
Des mots qui bouleversent mon histoire
Qui me rendent une femme instantanément
Il me construit un palais de mirage
Que je n'habite que quelques instants
Et je reviens...je reviens à ma table
Rien avec moi...
Sauf des mots.

NIZAR KABBANI 1923 /1998

Salomé












mardi 19 avril 2011

Amour : un peu, beaucoup, à la folie....?



On entend autour de nous nos amis dire "J'ai fais un mariage d'amour". Et bien des filles revendiquent le droit au mariage d'amour. A écouter toutes ces affirmations on pourrait presque croire que dans notre pays l'amour est à la base du mariage. Presque... Car tout est toujours plus subtil chez nous.



D'abord quel signification donner au mot amour? Quel amour pour quelle personne? L'amour n'est il que platonique? Est il charnel? Est il complicité? Est il ouverture? ...



Nos sociétés, derrière une apparente modernité, sont encore repliées sur les diktats sociaux qui font que, d'abord, on ne peut "aimer" que dans sa caste : les marabouts avec les marabouts, les guerriers avec les guerriers, les forgerons avec les forgerons, les haratins et anciens esclaves avec leurs "pairs", les griots pareil... Et, comme point d'orgue à tant de carcans, les mariages dans "sa" communauté : maures entre maures, soninkés entre soninkés, Halpulaar entre Halpulaar, etc...



Alors mettre de l'amour dans toute cette stratification relève, la plupart du temps, du parcours du combattant et plus de la déclaration d'intention.



L'amour, chez nous, meurt souvent au contact de ces réalités.



Et cette perception d'un amour "codifié et stratifié" relève plus d'un romantisme perpétué par les seules fenêtres qui nous sont permises : la poésie. Nos poètes aiment l'amour et le chantent sur tous les tons et font fantasmer toutes les envies d'envol.



Et puis il y a tout le fossé entre envie d'amour et réalité. L'obligation quasi mystique de la sacro sainte virginité fait que l'amour entre filles et garçons se revèle souvent qu'un jeu de" je t'allumes, je t'accroche". Les filles ne disent elles pas entre elles, en parlant des mille et une manière de s'attacher un homme, " Fais lui goûter pour l'attraper"?



Quand la promesse de délices sexuels est perçue comme de l'amour....



Alors Amour ou envies de sexe dans nos sociétés tellement brimées et qui ont fait de nous des handicapés de l'amour qui confondent désirs sexuels et amour de l'autre?



Combien "d'amours" sont ils morts la nuit de noce?



Salomé.

vendredi 15 avril 2011

Amitié amoureuse ou amoureuse amitié


Ce fut le sujet d'une discussion vive entre filles et garçons un soir dans un café de Nouakchott. Nous discutions des relations entre femmes et hommes chez nous. Deux camps : les filles qui revendiquaient le droit à l'amitié amoureuse et les garçons qui rejettaient ce terme au motif qu'entre un homme et une femme il ne peut y avoir soit que de l'amour, soit que de l'amitié.

Et pourtant l'amitié amoureurse, celle que l'on peut décliner comme l'on veut : amitié, amour, amitié / amoureuse, amoureuse / amitié, amie, amour, amie, amant, etc..., existe. Sans elle pas d'intimité réelle dans un couple. L'amour ne se réduit pas à...l'amour.

Sinon ça serait si triste.

Un amour est aussi un ami. L'amant ou l'amante, passés les moments d'intimité sexuelle, s'ils ne possèdent que la fascination physique n'ont bientôt plus grand chose à se dire.

On se sait jamais trés bien expliquer pourquoi on est tombé amoureux de tel ou telle. On ressent juste le besoin irrépréssible d'être sous le regard de l'autre. L'impatience devient démangeaison, torture subtile qui laisse présager des moments plus doux et charnels où, code mondialisé, un jour on se retrouve sous la bouche de l'autre.

Mais cet amour d'avant les jeux amoureux, n'est jamais platonique. Il est empreint de désirs. Cet amour, malgré les poésies et les chants romantiques, est sexuel et sexué.

Et le sexe ne fait pas tout.

Corps et esprit : voici l'amitié amoureuse. Une femme est amoureuse de l'amant / ami qui est entré dans sa vie.

Son homme, elle ne le veut pas seulement "amoureux", même si cet état flatte quelque peu son ego. Elle le veut aussi son "ami", ami de coeur, ami d'esprit. Qu'il soit celui qui l'écoute et qu'elle écoute. Qu'il devienne son confident et qu'elle soit la boîte à secrets.

Pendant l'acte d'amour cette femme est sensitive et animale. Après, elle redevient l'amie, l'amoureuse / amitié, celle qui pose sa tête sur l'épaule de l'autre et qui se remet à l'écoute de l'horloge de son esprit.

Nos amis mâles soutenaient aussi qu'à la différence d'un homme, une femme ne peut faire l'amour avec un homme si elle ne ressent pas envers lui un sentiment un tant soit peu...amoureux.

Pas faux mais c'est plus subtil que cela.

Une femme peut avoir plusieurs amants et ne pas ressentir la même amitié amoureuse avec chacun. Elle façonne son esprit et son corps, exactement comme un homme peut le faire.

La seule différence c'est qu'elle préfère se "donner" à un homme qu'elle "aime" plutôt qu'à un homme pour qui elle ne ressent rien.

Ce qui ne peut être que purement exercice sexuel éjaculatoire pour un homme, devient une danse plus compliquée pour une femme.

Alors, oui, l'amoureuse amitié ça existe. C'est doux et chaud. C'est rond comme une caresse. Ca fait frémir la tête et donne des envies d'envol à la peau.

Ca permet les chuchotis de la nuit et les jeux de pas de deux.

Ca comble le corps et l'esprit et si on fait l'amour avec son corps, on y intégre une bonne part de l'esprit.

Mais on ne nous apprend pas ça. Non. On ne nous apprend que le romatique amour sublimé par nos poètes, où tout au long de chants magnifiques on nous abreuve d'amour né de la vision d'un bracelet de cheville ou d'un dialdiali...

Et où nos hommes, éternels amoureux de l'amour, s'enflamme d'un amour brûlant pour une femme qu'ils ne connaissent pas , confondant désir sexuel et attirance plus profonde.

Et souvent, après un mariage très romantique, on se retrouve dans un divorce beaucoup plus sordide, avec l'incompréhension mutuelle comme arme de destruction massive.

Amoureuse / amitié , amitié / amoureuse...charnellements goutés et enfermés dans les mains. L'amie / amoureuse est.

Salomé.



mardi 12 avril 2011


Jamais nous n'avons été aussi libres. Et jamais nous n'avons autant rejetté cette liberté mondialisée. Entre passés et modernités, les femmes mauritaniennes se sont découvertes des envies d'envol.

Et, dans le même temps, ont rétréci les espaces qui s'ouvraient à elles. Nos rues fourmillent de femmes affublées de voiles qui ne sont pas notres, pieds enfermés dans des chaussettes noires, gants noirs, protège bras, etc...

On ne s'étonne plus qu'une jeune femme qui se considére comme moderne n'ait, exclusivement, dans sa voiture que des cassettes où elle écoute religieusement Dedew!

La femme moderne de Mauritanie, libre dans l'appréhension qu'elle a d'elle même, s'est empressée de se modeler à des messages qui étaient inconnus à nos sociétés, comme si elle vivait dans un pays peu musulman.

Et elle s'affuble de noir, la couleur de la colère et de la négation.

Combien de nos petites filles, en particulier chez les Halpular et les soninkés, se retrouvent elles couvertes du hijab, objet que nous ne connaissions pas sous cette forme et symbole de cet islam d'ailleurs qui véhicule ses messages trompeurs sur la place et le rôle présupposés des femmes.

Comme si nous n'étions pas une société musulmane, aussi musulmane que d'autres!

Comme si nos grands mères avaient été de mauvaises musulmanes.

Le glissement est lent, imperceptible. Il a commencé il y a quelques années.

Et de l'islam de Mauritanie nous sommes passés à l'islam des prédicateurs formés dans des mahadras lointaines de pays où l'islam est synonyme de fermeture, de rejet, de fantasmes, d'interdits, de négation des femmes.

Où l'islam est enfermement et où l'on n'apprend plus à aimer Dieu mais à le craindre.

Où les femmes sont les expiations des frustrations masculines.

Où les femmes n'existent plus, enfermées dans des diktats vestimentaires qui effacent leurs corps.

Nos femmes avaient encore, dans l'imaginaire collectif, des droits. Elles étaient, maladroitement certes, mais...

Aujourd'hui nous sommes ouverts aux messages de donneurs de leçons et façonneurs de manière de penser et nous réécrivons la place de nos femmes au travers de discours venus d'ailleurs.

Que Dieu ait pitié de nos sociétés qui, par mimétisme imbécile, renient leurs passés et leurs femmes et qui, petit à petit, redessinent une femme inconnue et universelle ( selon ces critères assassins).

Pour certains LA femme musulmane ressemblera à celle de Kaboul ou d'Arabie Saoudite.

L'uniformisation des pensées et l'uniformisation des meurtres symboliques des femmes : voilà le glissement dangereux.

Et pourtant, nos mères et grands mères n'étaient elles pas belles dans leur islam?

Salomé


lundi 4 avril 2011

Jeux interdits...


Dans une relation amoureuse ou tendre entre un homme et une femme, les meilleurs moments sont ceux de l'attente et des jeux. Jeux amoureux, jeux érotiques... Jeux des mots et des gestes. Jeux des séductions. Jeux pour dire les envies et les désirs libertins. Ces moments où la gourmandise devient péché mignon et où l'autre se déguste langoureusement. Toutes les femmes sont belles dans ces jeux. Elles deviennent fantasmes et faims. La femme qui a envie devient terre fertile, terreau de tous les regards. Elle s'offre et se dérobe. Elle est soumission et maîtresse. Elle devient celle de la nuit, des rêves et des possibles. Et des impossibles. Ces moments de jeux où elle se pose dans les mains de l'Autre, se pose sur ses yeux, se faufile sur sa bouche. Où son corps écrit une nouvelle partition sur laquelle les notes seront les mains de l'envie. Cette envie murmurée comme une caresse et qui électrise la peau. Nous aimons ces moments de jeu où rien n'est mais tout est possible. Sens tu mon souffle sur tes paupières? Vois tu ma peau et mes soupirs? entends tu le désir comme un arpège déroulé dans la moiteur de la nuit? Pose tes mains sur mes reins et danse... Salomé.

Femme, péché originel...


Le limogeage de Naha Mint Mouknass est révélateur de toutes les hypocrisies véhiculées par nos sociétés. Voilà la MAEC débarquée et déjà, la meute des bien pensants déchirent à pleines dents la vie d'une femme, femme célèbre, femme de tête, femme de caractère. Ici et là, et surtout sur le net, rumeurs et ragots sont devenus la seule tentative d'explication à un limogeage pour les raisons duquel nous n'avons aucune explication officielle. Le tort, dans cette curée impitoyable, n'est pas la manière de mener notre diplomatie, ne sont pas les errements apparents d'une politique extérieure peu claire. Non, le tort de Naha mint Mouknass est, selon la rumeur, d'être femme. Faute impardonnable n'est ce pas? Là où on s'interroge sur le limogeage, nous sont envoyés en pleine figure les supposées frasques amoureuses de l'ex chef de la diplomatie. Tout est crachats. Tout est injures. Certains n'hésitent même pas à parler de Naha comme étant quasiment la putain de la République. Les salons se sont enflammés : mélange de vie privée et de vie publique, amants célèbres supposés, etc.. Demande t on à nos politiciens des comptes sur leur vie amoureuse? Leur demande t on des comptes sur leurs maîtresses, leurs illégitimes? Leur demande t on des comptes sur les matelas sur lesquels ils se vautrent? Jamais car dans nos sociétés être homme permet tout et même plus. Être homme est un passeport pour tous les libertinages et les jeux. Être homme dédouane des soupçons. Il est tellement admis que nos hommes peuvent tout du moment qu'ils sauvegardent les apparences que le papillonnage est devenue une institution. Et être femme est une croix à porter. Apparemment nous portons imprimées sur nous une sorte de tache, de péché originel, qui fait de nous des "impures" quoique nous fassions. Pour nos salafistes nous sommes le diable incarné, portant quand même ( il faut bien parfois accorder quelque crédit à certaines femmes "sacrées") des jugements plus cléments sur leurs mamans, celles ci incarnant le Bien, face au Mal dont toutes les autres femmes seraient porteuses. Être femme et politique c'est faire deux fois plus d'efforts que les hommes. Nos mœurs d'hypocrites exigent qu'une femme politique soit un être asexué, sans cœur. Ce dernier est réservé aux mâles. le sexe idem. Quelle pitié que cette société qui ne marche qu'à coup de clichés! Salomé.