vendredi 4 décembre 2015

Homme...













Il y a cet espace entre toi et eux, ce temps infini
ce temps de la mémoire et du sang

Il y a ces routes passées, tes souvenirs qui arpentent les sables

Il y a ces vies que tu portes, enfouies au plus profond de tes détresses,
eux, toi, nous

Il y a ces immensités en bandoulières et les murs d'aujourd'hui
et les femmes, et les chants, et la langue, et les soleils

Il y a tant en toi, silhouette arc-boutée en ici,
tes yeux ouverts aux ailleurs

Il y a l'amour, le désir, les routes

Il y a toi, homme, nom, lignée, ancêtres,
tes questions, tes questions, tes questions

Oiseau de feu aux ailes brûlées par cet aujourd'hui

Il y a les nuages à poursuivre, là bas aux confins du Nord,
il y a des tombes et des noms murmurés

Qui es -tu homme-enfant?
Quand tu fermes les yeux que vois-tu?

Et je t'entends, j'entends tous ces chants d'avant,
je les entends, les reçois, voyageuse perdue

Dans la pénombre d'une vie citadine,
j'écoute tes mots raconter l'avant.

Dans les temps qui ne sont plus tu es,
silhouette passée d'une vie que tu n'as jamais tout à fait abandonnée

Tu marches, homme, tu marches
et je viens, en mémoire des autres, en mémoire de ce qui fut,
en mémoire de ceux dont nous portons le nom et les lignages,
en mémoire de nous

Tu, eux...

Mariem mint DERWICH

( Artiste : Ryan HEWETT)




mardi 10 novembre 2015

Recommence....













J'ai la houle en héritage
ressacs profonds, chants des sables,
coquillages qui disent, à l'oreille sertis

J'ai les vents qui grondent, colliers dans mes cheveux,

J'ai le livre des mémoires, noms, obscurité, temps anciens,
écritures en larmes, poésies des femmes,
un mot, le mot unique, celui qui chuchote

J'ai les pistes et les arbres, j'ai mes pères, ma mère, lignées

J'ai les regards de la nuit, abandonnés aux étoiles, là-bas,
ici, ailleurs, pierres et flammes, naissances,
sépultures des petits matins, quand l'absence devient présence solitaire

Je suis morte des milliers de fois, dans l'heure violette de la solitude,
face à mes histoires, mains vides et peur au ventre accrochée

j'ai les campements des crépuscules, bracelets de cheville,
la ligne aiguë des minarets dans l'incandescence des jours de feux,
silhouettes brumeuses des hommes qui marchent

J'ai mes corps en dessins de lune sur l'arrondi des dunes

Fille des quatre points cardinaux, fille des tentes, femme sans lait,
mes doigts sur la courbe d'une épaule, lenteur d'une minute d'amour,
libre, libre, libre à en déchirer le coeur

Je suis née des milliers de fois, dans la folie des mers qui partent et reviennent

J'ai l'amour en espérance, touche moi, prends moi, rêve nous,
amant de l'aube, lumière blanche de la musique, encore, encore,
écris sur ma main les petits rires de ceux qui ne vivent que dans la chaleur de l'obscurité

J'ai marché , marché, mes chemins d'envies, mes chemins de douleur,
corps en danse perpétuelle, eux assis aux bords des routes,
oh leurs voix

Dans l'implosion, dans mon néant, dans ces histoires qui sont miennes,
j'ai posé ma bouche à la source

Et j'ai murmuré : " recommence....."

Mariem mint DERWICH

(Artiste : Mohy Elrayes )

lundi 9 novembre 2015

Langueur..











Mettre des couleurs sur une voix, un souffle, un rire,
dessiner aux murs du ciel

Dans la paix première, celle d'avant les lames de fonds, les grandes tempêtes,
vagues mousseuses, venues de derrière l'horizon,
revenir, respirer, reprendre ce lent battement du coeur

Il y a les vents ocres qui dessinent les sangs

Je pose mes doigts sur la voix qui murmure,
celle qui me dit.
Je l'enferme dans ma paume
Je souffle dessus
J'y grave les notes endormies du frisson sur la peau

Dans ma maison aux murs de papier
j'ai ouvert la porte et le vent, le vent qui vient de l'autre côté des mondes,
le vent me raconte les histoires des enfants heureux
et rend à la langue ce que la bouche a oublié
                      
Absolu

Dans cette minute suspendue allongée au creux de mon cou
je pose ma mémoire et ton rire

Mariem mint DERWICH

(Artiste : Gerhard RICHTER)





mercredi 2 septembre 2015

Chanson du temps...













J'ai besoin de temps, de tous les temps du monde,
besoin des temps en musique, des temps de ciel,
J'ai besoin du temps passé à rêver
et du temps à chanter

Dans ces temps je mettrais l'enfant et la femme
j'inventerais mes lendemains, mes possibles

j'ai besoin du temps des sables, bâtir des dunes,
les défaire, les refaire,
laisser les grains du temps entre mes doigts s'écouler

J'ai besoin du temps afin de vivre, corps enraciné,
mémoires en exil,
battre les nuages pour que tombent les larmes des absents

Temps infinis, temps d'ici, temps de là bas,
temps inscrits aux murs des temples,
temps parchemins, temps des mots et des naissances

J'ai besoin des temps de la nuit, ceux qui font les âmes,
temps des prières, des chapelets, des murmures,
temps de l'oubli

Temps de tempêtes, de navires, de sirènes,
au bout des vagues entendre les temps des pirates

Temps mis bout à bout, silhouettes des histoires à venir,
temps de la plénitude et temps des malheurs
temps arc en ciel, temps du Fleuve, temps du campement

J'ai besoin du temps des griots, poèmes de l'avant,
besoin du temps forgeron, celui qui forge ma chanson,
notes et cordes, temps anciens

De tous ces temps qui vont et viennent, dans l'absolu
du temps attrapé, je ferais un oiseau de palme,
oiseau de lait, oiseau mon frère, oiseau de feu

J'ai besoin du temps des désirs

Au bout de la piste, j'inscrirais ces temps de conteuse
aux murailles des grottes
aux oasis des hommes

j'ai besoin des temps gomme arabique et caravanes
temps du thé et temps de l'amant
temps de l'encens, temps Gaf

J'ai besoin des temps de vents,
temps de la voix et temps des étoiles
temps de l'Alif et temps du calame

Temps des cimetières, temps des départs,
pierres, lézards, pleurs
m'entends tu?

J'ai faim des temps miens...

Mariem mint DERWICH

(Artiste : Patrick SINGH)





mercredi 8 juillet 2015

Entre deux....














Etre comme une perception,
un entre deux,
un isthme entre ici et là bas

Etre ces petits riens qui deviennent une somme

Compter sur ses doigts,
y ajouter une prière,
égrener les perles,

y inscrire un souffle,
encore un,
encore un autre

Recommencer à respirer

N'être que tout ça
et tellement plus, tellement....

Etre cette femme
et dans la poussière de cet entre deux,
ramasser les couleurs qui deviennent mots

Le temps d'une inspiration, arrêter la marche des choses,
redessiner le mur de mes mémoires,
y inscrire des futurs aux couleurs d'une naissance,

Dans ce temps aspiré je jetterai les noms et les mots,
les chants et les notes, les fusions,

Je rencontrerai une humanité

De cette inspiration je ferai une expiration,
posant sur mes lèvres les poèmes et les amours à venir

J'inspire ce moment d'éternité et je deviens houle....

Mariem mint DERWICH

(Artiste : Amy SOW)




samedi 4 juillet 2015

Tu n'es pas....













J'ai défait mes mains de ton visage,
fermé les yeux à tes yeux
j'ai tourné la tête et j'ai regardé là bas

là où la vie est

J'ai ôté ta peau et ton odeur,
j'ai jeté ton nom dans l'eau du puits 
j'ai mis mes bras autour du ciel

là où la vie est

J'ai brûlé tes mots, poussières, néant, solitude,
ouvert ma bouche au vent qui vient de derrière les dunes,
j'ai respiré, respiré

là où la vie est

Je te laisse à ton absence, assis sur le sable,
puzzle de toi, cécité,
je te laisse au vide,
mirage

là où la vie est 

Nul besoin de pâles images

là où la vie est, je vais
je défais les mensonges
je détricote les souffrances
j'apaise la colère
je me lave de tout cela, je me lave, cruautés, blessures, reniements

Nulle envie d'enfers

Je te laisse à tes vies,
à tes fantômes,
à tes odeurs amères
à tes histoires, femmes, pardons, jeux, fausseté,
je t'abandonne à tes marchandages,
à tes amours comptables

Là où la vie est
je vais,
absolu de tout,
douceurs,
dans la vérité d'un Je t'aime
j'écris mon histoire qui vient et celle qui fut

J'ai cassé le miroir,
éclats de toi en mots vides

Là où la vie est, tu n'es pas...

Et je vois, je vois....

Mariem mint DERWICH

(Artiste : Ba Djibril Ngawa) 







mercredi 10 juin 2015

Je te parle, pays....













Je t'empoigne, pays,
je brûle mes yeux à tes yeux,
je parle à ton regard

je te secoue, pays,
je te pose les questions d'avant,
je dessine la parole

je te dis : vois moi, pays,
vois celle qui est,
je crie dans ton cou

Je te parle, pays,
je te parle,
tu n'entends pas,
tu n'as jamais entendu

Quel nom m'as tu donnée, pays?
Quel sang as tu fait couler dans mes veines?
Quelle langue m'as tu offert en héritage?

Je te parle, pays,
je te parle,
je te parle depuis ma première parole
je te parle, tu ne me parles pas, pays

Au fonds du marigot gît la femme sans nom,
la femme sans papiers,
la femme sans tente

je te parle, pays,
je te parle, regarde moi quand je te parle,
tu es le Lam, le Alif, le Kaf, pays,
tu es éternité et présent

Au bout du minaret la femme s'imprime,
le femme sans homme,
la femme laissée

je te parle, pays,
je parle à tes ocres, à tes aubes, à tes nuits,
je parle à tes perles, à tes vents, à tes sables,
je te parle, pays, je te parle de cela et de tout

Regarde, pays, regarde la petite fille assise sur la dune,
regarde la...
elle n'a pas de lit, elle n'a pas de toit,
elle n'a pas d'identité

je te parle, pays,
à qui réponds tu?
je te parle...

je te parle et je te dis :
je suis, malgré toi, malgré eux, malgré nous...

je te parle, pays,
entends l'enfant

Mariem mint DERWICH

(Artiste : Paul KLEE)


lundi 8 juin 2015

Couleurs...













Et dans l'après, si je lançais les mots, si je les lançais au bout du monde,
si je lançais les mots à ceux qui vivent, à ceux qui rient, à ceux qui marchent,
si je lançais les mots, moi le fantôme ?

Si je disais aux hommes que leurs yeux sont miens, que leurs bouches sont miennes?

Dans un instant qui n'en finirait plus, je poserais un pied sur une terre nouvelle,
brumes du matin et rosée accrochée aux cils

Si je racontais aux hommes que les bleus de l'âme ne sont qu'ailes de papillons?

Dans la splendeur d'une parole accrochée, je murmurerais les mantras de l'enfant,
j'éparpillerais mon coeur en poussières d'éternité;
je porterais les mains du monde en collier entre mes seins
et sur la page qui se déroule, je dirais, je dirais, je dirais.....

Si je chantais aux hommes que le désir est aube première, que l'amour est notes de l'univers?

Que le ventre des femmes est terre, argile, fleuve, forêts...
que leurs cuisses sont troncs, pagodes, temples,
que sur leurs langues dorment les temps anciens, ceux qui respirent,

Si je brodais les hanches, les sueurs, les enfantements, les mots soupirs?

Je lance les mots, je les lance, je ploie mon cou et déroule mon bras,
je danse,
à mes reins j'ai accroché les rêves des hommes

Dans un envol de lumière, je refermerais mes mains en coquillages sur tes poèmes.

Si je m'asseyais, à l'ombre d'un manguier, pour écouter la voix de celui qui psalmodie,
que je posais ma tête sur ses cuisses et que je laissais ma chevelure s'ouvrir à sa mémoire?

Je danse, femme enfant, je danse, je danse mes voix, je danse les couleurs, je danse les histoires
je danse et je m'ouvre aux  vents qui viennent de l'Est

Et, dans le point qui est Tout, je deviens la frontière perdue...

Mariem mint DERWICH

(Artiste : Sidi Yahya)




mardi 26 mai 2015

Le petit mot...













Fermer la bouche sur le mot,
et le dessiner chants,
ouvrir la main, déplier les doigts,
oiseaux fragiles,
clore les yeux sur ce mot,
et le déposer en sillons moirés
le long de tes flancs,
raconter, raconter à en perdre la voix,
raconter ce mot qui roule,
délier la peau,
essaimer le désir,
ployer le cou,
y murmurer l'élan

Ecrire la chanson des gestes,
l'arrondi de l'épaule,
le goût brun sous la langue,
entrer dans l'eau
et, dans un temps immobile,
soudain arrêté,
entendre le soupir

Peindre le regard aux étoiles qui naissent,
enfermer l'éternité de cette minute qui s'allonge,
médaillon humide entre les seins,
enfouir son nez,
et ce mot qui danse, à la lisière des paupières

Petit mot de l'âme soudain déployée,
au bord de la langue suspendu,
bleus des profondeurs et rouges des feux,
vagues et houles,
accrochées aux doigts, arrimées aux mains renversées,

Ouvrir la bouche sur le mot,
esprit,
musiques lointaines,

Et dans le concert de cette pénombre qui s'invente,
un homme et une femme s'aiment, 
recréent ce mot à l'infini du désir,

Dans mon ventre qui raconte la vie,
j'ai enfermé le petit mot...

Mariem mint DERWICH

(Paul KLEE)


jeudi 14 mai 2015

Ailleurs....













Je marche dans ma mémoire,
là où les choses dorment,
je marche dans ma mémoire,
j'effleure les peintures sur les murs,
pose ma bouche aux odeurs,
replie ma main dans le souvenir d'une peau,
les notes d'une chanson

je fais les mille petits pas, en route sur les nuages,
et, au bout de moi, je m'en vais
là où les horizons disparaissent

Je marche dans les rues de mes instants perdus,
je bois aux regards déposés sur mon front,
je souris au mendiant aveugle qui joue de la viole,
et, dans son sourire, je m'invente neuve,
je marche dans ma mémoire ajourée,
en dentelles,
je prends la main tendue

je ferme les yeux à la pénombre, pose les chaussures au pied du lit défait
et, dans la transparence des images qui tremblent,
je dépose mon bagage

J'arpente les plages, les déserts, les villes, les aéroports,
les quais où j'ai abordé, terres inconnues
je marche dans les voluptés au goût de thé,
je noue mes doigts aux passés, les caresse au long de ma paume,
les joue sur ma langue
j'entrevois les larmes au bout des cils et la voix rauque de cris,
je dis

je laisse en mes bras les autrefois, tu y es,
et, dans l'éblouissement d'une rencontre,
je continue mes chemins

Je marche dans ma mémoire,
mémoire du corps, mémoire couleur eaux,

Et, au jour qui vient, je referme les volets sur ma balade...

A la nuit qui tombe, je repartirai et je te raconterai....

Mariem mint DERWICH

(Artiste : Ryan HEWETT)

mardi 12 mai 2015

Celle qui...













En moi, il y a eux, il a elles, il y a ceux des rêves,
celles des berceuses, mains tatouées, ouvertes, paumes odeurs,
il y a les chants dans les aubes, toutes les aubes,
ciselées aux branches des palmiers, endormies aux feuilles des baobabs

il y a les prières, les fronts dans la poussière, aux chemins des chapelets,
il y a le lait dans la calebasse, et le bébé qui pleure,

il y a ces voyages agrippés aux nuages, et ces corps inscrits dans les sillons des champs,
les mélopées qui chassent l'ennui du temps, bouches psalmodiantes,
il y a les contes des nuits, les histoires des grands mères
racontées sur la peau des enfants endormis

il y a les chevauchées, fantômes des vents de sable, danses guerrières,
il y a le bruissement des pagnes des femmes porteuses des marigots

il y a ces amantes, yeux magiques, reins déployés, seins offrandes,
les mots de l'amour, assoupis dans les cordes des tidinits, dans les souffles du n'goni,
il y a le dunduge qui gronde, peau vibrée, peau zébrée,
et les corps devenus mondes et musiques

il y a elle qui dessine dans le sable les traits qui racontent,
il y a le berger qui s'endort dans le souvenir du campement

il y a la femme qui pousse et qui crie et qui offre au monde son ventre enfant,
et le grand père qui ferme les yeux sur son dernier souffle,
il y a  la mariée qui crie son premier sang de femme,
et sous les étoiles, la vie qui recommence

En moi il y a les histoires infinies qui disent le nom, la lignée,
le lézard sur la dune, les mains sur les parois des grottes,
il y a le chasseur qui s'en va dans le soleil qui monte
et les minarets qui montrent le ciel

il y a en moi les ancêtres qui dorment, la tête vers l'Est,
les pierres d'Amogjarr, les rires bambaras de M'Bout,
les épopées du Wagadu et les lettres d'or des bibliothèques de Chinguetti

Je regarde ma peau, aux mille peaux,  je dessine sur le mur de mon front
les mots qui furent, les mots qui sont, les mots à inventer

Ma terre... mes sangs....mes notes...mes corps...mes chants...

Et, dans la mémoire qui danse, je deviens celle qui...

Mariem mint DERWICH

(Artiste Ysabelle ROBY PETREL)


jeudi 7 mai 2015

Je viens...













Creuser le sable, aspirer l'eau,
poser sa bouche au début des mondes,
mettre les vents et les chants de l'au delà dans son sac

et transporter sa vie au long des ravines

Fermer la porte de sa maison, clore les volets

Empoigner les chemins au travers des mots,
en faire des arcs en ciel et des gueltas,
un pas après l'autre, les pieds légers,
toquer à la porte des horizons
se dépouiller de ses contes, les contes de ce qui fut,
pour chanter les histoires de demain

et transporter ses lignées au long des mémoires premières

Tirer les rideaux sur le lit défait où les fantômes dorment encore

Dans le livre des corps retrouver le chemin du désir,
celui du fou, celui de la folle, celle qui danse la nuit sous les étoiles,
ré inventer les gestes de l'amante aux frissons de la main de l'homme,
ployer, ployer encore, et ouvrir ses yeux dans le plaisir,
oreille blanche, oreille noire, notes saupoudrées,
inscrire l'amour, de ses doigts en voyage sur la peau

et chuchoter les mots des départs au long des hanches offertes

Fermer les yeux de ceux qui furent là, à jamais endormis en ce lit

S'envoler dans les pluies d'hivernage, devenir eaux et nuages,
marcher, respirer, enfin nue, lavée du malheur,
essuyée dans le commencement de la nuit, quand le soleil s'endort là bas,
là bas dans le reflet des illusions du jour.
Nuit profonde, nuit des mariages, nuit you you, nuit de l'épousée,
dialdiali aux reins comme une page ouverte sur le corps devenu bat'ha

et inscrire sur la table désertée : je viens.

Rattraper cette petite fille qui joue à la marelle sous le soleil,
toute à son jeu,
quartier bruissant,
tam tam des pilons dans les cours,
au bout du ciel, elle dessine des départs et des rêves acidulés
où elle est, de nouveau, oiseau aux ailes grandes ouvertes.

Fermer les yeux et s'ouvrir aux mondes....

Je viens...

Mariem mint DERWICH

(Artiste : Haïdara)


mardi 14 avril 2015

Là bas...














Et si on dansait, là bas, au bout de l'arc en ciel,
dans les feux de camps,
sous les étoiles,
odeur glacée des nuits
soupirs du vent au ras des dunes...

Et si on partait - grimper aux nuages -
écrire sur le ciel les mots bracelets, les mots cure dents,
dans les silences des pistes
le corps qui vibre et qui appelle
dans les senteurs des jours

Et si on détachait les cordes - dénouer les regards -
sculpter les mots calebasse, les mots encens,
aux portes des villages
enlever ses habits, encore,
chuchotis des soupirs

Et si on portait son coeur au creux des mains,
dans les poésies, mots perles, mots éclairs,
allonger son cou, là haut,
la tête dans les nuages,
aurores des oasis

Et si on s'aimait, au bout des chemins,
inventer les mots amour, les mots désirs,
boire la sueur au pli du cou,
déployer sa bouche à l'infini de la peau,
viens...

Et si on renaissait, cendres et eau, couleurs et azurs,
en vertiges, en mots falaises, en mots lézards,
dans les matins nouveaux, là où le soleil crie,
suivre le scarabée, voler avec les aigrettes,
téter le lait, vaches et cornes, sabots et chaleur

Et si, tout simplement, tu nouais tes doigts aux miens,
mes lèvres sur tes paumes, mots amante, mots jouissance,
le chemin argenté de ma bouche humide
et ton souffle à l'orée de mes yeux
odeur salée, douce, de ce premier baiser

Dessiner les mots arbres, les mots racines, les mots rouges.....

Devenir plume....


Mariem mint DERWICH

(Artiste : marie - Paule DEVILLE-CHABROLLE)




jeudi 2 avril 2015

Infini....













J'ai l'infini au bout du regard,
là bas, là bas, tout au bout de l'horizon,
au bout des sables et des chemins de terre,
au bout des départs, là bas, là bas,
le ciel immense de ceux qui voyagent,
les danses mystiques et les prières des doigts,
là bas, là bas, tout au bout de la vie,
au bout des mots et des naissances,
au bout des sommeils, là bas, là bas

J'ai l'infini en offrande,
là bas, là bas, sur la terre des hommes,
au bout des contes de la nuit et des charmeurs de serpents,
au bout des frissons de la peau, là bas, là bas,
les mers lointaines et les grand voiles,
les amours de l'aube et les corps en poèmes,
là bas, là bas, tout au bout de mes rires,
au bout de mes rêves et des jeux d'enfants,
au bout des soleils, là bas, là bas

J'ai l'infini en azur porté,
là bas, là bas, dans mon ventre bercé,
au bout des terres inconnues et des couleurs des femmes,
au bout de ma langue, là bas, là bas,
les dunes des premiers pas,
les chuchotis des vents et les cauris qui disent,
là bas, là bas, tout au bout de mes rondes,
au bout des soupirs et des baisers,
au bout des lenteurs, là bas, là bas

J'ai l'infini comme des nuages de pluie,
là bas, là bas, tout au bout des marigots,
au bout des villages et des campements,
au bout des palmiers, là bas, là bas,
les bracelets qui chantonnent et les larmes d'un bébé,
les appels des troupeaux et les vertiges mouillés,
là bas, là bas, tout au bout de la piste,
au bout du monde et du Ghazal,
au bout de mes cils, là bas, là bas

J'ai l'infini en psaume et en tapis de prières

et je danse

Mariem mint DERWICH

(Artiste : Helen ABBAS)






samedi 21 mars 2015

Corps....













J'ai le corps en alphabet, en lettres,
en mains qui se posent
j'ai le corps en soupirs
en vertiges
en traces ténues
en morsures

J'ai le corps comme on a des chants
en notes
en vibrations
j'ai le corps en impatiences
en souffles
en odeurs mouillées

J'ai le corps qui se déploie
à chaque toucher
il chuchote
j'ai le corps en bordures
en centres
en senteurs marines

Je suis face à l'univers
et entre mes seins je porte mes rêves
j'ai le ventre en aurores
j'ai les bras en poèmes
en mantras
en amants

J'ai le corps qui chante et chante encore
en vie perpétuelle
en infinis
j'ai le corps comme un collier
en danses profondes
il dit

J'ai le corps en liberté
il écrit les mots de l'amour
il tisse les histoires fabuleuses
j'ai le corps en nuits et en jours
accroché aux temps féminins masculins
inscrit sur les murs

Murmures et folies
mots
désirs

Corps


Mariem mint DERWICH

(Street Art..  Artiste : Nme)


jeudi 12 mars 2015

La femme qui vient...













Donne moi le monde pour que je m'envole, enfin,
et que de mes mots sortent les vents

Ils diront alors les voyages et les terres lointaines,
celles de feu et d'azur, celles battues par les hommes

Ils diront les amours mortes, les enfants de l'aube,
les caravanes aux pieds nus

Donne moi tes regards pour que je me lève, enfin,
et que de mes mots sortent les pluies

Ils diront alors les sommeils dans l"herbe,
les jeux d'eau, les marelles et les rondes

Ils diront les villages perdus, les statues de pierre,
les femmes qui s'éveillent dans la brume du matin

Donne moi tes mains pour que j'écrive, enfin,
et que de mes mots sorte la musique

Ils diront tous les soupirs, tous les chants,
les yeux bordés, les corps dressés, les cheveux libérés

Ils diront que tout est fuite, que nous mourons et que nous renaissons,
que nos histoires ne sont que broderies fugaces,
que nous sommes argent et or, cuivre et terre, vagues et boue

Ils diront nos corps en désirs, les mots promenés le long des flancs,
le temps de l'amour, le temps de l'ami, 
les secondes murmurées, entre les seins posées

Ils diront la femme qui vient, dans l'ombre des arbres,
qui vient et qui raconte les histoires des hommes,
elle marche, elle balance les hanches et tamise la lumière,
elle vient et sa bouche roule les mots à venir

Ils diront les mots de la terre, les contes des profondeurs,
qui montent du ventre, empoignent les bras, entourent le cou,
les mots des gestes qui brûlent

Aux rives de ma mémoire la femme vient et marche
elle est belle, elle est perle, elle est collier, elle est note blanche, note noire,

Vois!

Elle vient la femme en mots, en écriture, en atomes, en poussières
elle est étoile dans le Livre des Morts

Elle porte son coeur sur ses paupières et elle entend les choses du silence
Elle ouvre les bras, et le corps, et les yeux

Dans la nuit qui tombe elle devient luciole

Mariem mint DERWICH

(Artiste : Lionel SMIT)





samedi 7 mars 2015

Je suis femme...













Je suis femme

Je suis femme, allongée au bord des sables,
enfouie dans l'eau des marigots,
endormie dans les voiles des vents

              Je suis femme

Dans tes chants tu m'as transformée en lune, en soleil,
en colliers de perles, en bracelets de cheville,
en dessins de henné
en pagnes multicolores

              Je suis femme

Fille du ciel et de la nuit, en miroirs de l'aube,
j'ai écrit mon nom sur les murs des cavernes,
j'ai laissé mes mains sur mon ventre
j'ai enfanté les futurs

              Je suis femme

J'ai traversé les mondes, j'ai offert mon souffle,
je t'ai aimé, portant ton corps comme on se pare de parfums,
j'ai fermé tes yeux pour que tu entendes ma voix,
j'ai scellé tes lèvres pour que tu gardes mon goût

              Je suis femme

En chantant mes histoires j'ai changé les choses,
les arbres sont devenus femelles,
les nuages sont descendus sur terre, statues sensuelles,
les petits des hommes ont ouvert les yeux et ont tutoyé le monde

              Je suis femme

Par moi tu as inscrit ton nom dans l'immortalité
j'ai bercé tes peurs, j'ai gardé ton foyer,
j'ai été la conteuse, la guérisseuse, l'infante devenue reine,
l'oiseau qui passe, le vent sur la peau

              Je suis femme

J'ai les yeux grands ouverts, je regarde l'univers,
je me tiens debout, dans la poussière de ce qui est déjà enfui,
je lève mes mains face aux murs des villages,
et je lance ma chanson de femme

              Je suis femme

Je suis celle de la nuit, celle des jours brûlants,
je suis celle qui raconte et qui garde les mémoires,
je suis celle là qui ne baisse pas le front
et te regarde, te regarde, jusqu'à brûler tes yeux

              Je suis femme

Je suis femme, matrice du monde, porteuse d'eau,
j'ai les mots qui roulent sur les langues des mémoires,
je suis pierre, je suis pluie, je suis sang, je suis origines,
je suis charbon et plume et soupirs et amours

              Je suis femme

Je suis bâton, départs, retours, identités flamboyantes
je suis écuelle, je suis calebasse, je suis musique, je suis ombre,
je suis l'épine et le pas des caravanes
je suis l'argile et la glaise, le banco, marécages

              Je suis femme

Et, dans ma mémoire qui danse, je tourbillonne....

Mariem mint DERWICH

(Artiste : Lionel SMIT)





mercredi 4 mars 2015

L'amante...













N'entends tu pas que même au plus profond des nuits hantées
je suis sous tes mains, en relief dans ta peau?

N'entends tu pas le souffle des voix venues des autres mondes
murmurer que les ailleurs ne s'effacent pas?

N'entends tu pas le chant de l'oiseau, derrière la vitre,
qui parsème de duvet les choses enfouies?

N'entends tu pas le bruit de la terre, mouvement de l'eau,
te dire que la mémoire est tout, que le présent n'est rien?

Derrière la porte il y a la ville qui s'éparpille,
les bruits des choses, les bruits des riens,
il y a l'enfant qui te regarde, à qui tu offres ton regard,
et le mendiant, à ta fenêtre penché.

Tu enfermes tes mots derrière tes yeux, tu lances la clé des silences

Et la mer continue de danser, à la frontière des envies

N'entends tu pas la musique d'un parfum endormi au creux de ton cou,
qui te chuchote les mots de l'amante, les mots des bras?

N'entends tu pas les soupirs des murs, ceux qui entendent, ceux qui s'ouvrent
dans la quiétude d'un après midi alangui?

N'entends tu pas le bruissement d'une chevelure envolée sur tes lèvres,
et les poèmes tissés ?

N'entends tu pas, dans les mots des nuages, les épopées et les rêves,
Qâf ancien, mots des puits, mots des campements oubliés?

Derrière ton front, elle dort encore l'amante disparue,
enroulée sur ton souffle, posée sur tes doigts,
il y a les instants de soie, les instants frivoles,
et toi qui regardes et qui fermes les yeux

Et la mer continue de danser, à la frontières des corps.

Mariem mint DERWICH

(Artiste : Santosh Chattopadhyay )







lundi 2 mars 2015

Les mots chagrins....













Je n'ai que les mots pour éloigner l'obscurité
la bouche qui raconte, raconte les aux delà,
la langue qui danse dans les fins de nuit

Je suis lasse de porter le monde,
épaules courbées et yeux miroirs

Je voudrais dessiner des pays de miel
des pays de femmes,
là où les chants des dunes diraient les rêves

Je n'ai que les notes et la musique pour dire,
dire encore, encore, encore,
jusqu'à m'ouvrir aux vents venus de l'Est,
devenir grain de chapelet et perle bleue,
inventer de nouveaux matins,
réciter Rûmi à la lumière des feux de camp

Je voudrais donner, donner à en perdre la respiration,
renaître dans les méandres d'un marigot,
dans le fleuve des mémoires,
recevoir le regard unique, celui qui berce,
téter le lait aux seins de mes mères,
m'endormir dans le souffle de l'encens

Je n'ai que les mots, les mots de l'absolu,
pour inventer demain
et les jours à venir,
les minutes silencieuses

Je voudrais vibrer dans la chaleur d'un corps,
coudre patiemment les perles amoureuses
sur le front de l'amant,
boire ses paupières
et murmurer doucement les mots du désir

Je n'ai que les mots pour sculpter mes vies,
les offrir aux murs des villes,
inscrire mes noms sans papiers,
enfanter des bébés

Je n'ai que mes mots pour pleurer et rire
jeter aux horizons mes solitudes

Tournoyer dans son regard
m'envoler à tire d'ailes
entendre les cris des silences

Je n'ai que les mots, mendiante, femme, enfant, plaisir,

Dans l'infini des poètes, je danse, je danse

et je te regarde...

Mariem mint DERWICH

(Artiste : Guy Denning)




mercredi 25 février 2015

Naissance...













Je m'envole, je vole loin de toi
dans la parole libérée
et mon corps comme une étoile

Je marche, bras ouverts

J'emporte avec moi tout ce qui fut
tout ce qui ne fut pas
je dis à la lune les moments sombres
les doutes, les reniements,
les silences assassins
Je marche, ventre ouvert

Je sème derrière moi les bribes de toi,
ce qui fut saccage, défrichements douloureux,
je raconte aux passants les poèmes perdus,
les mille mots de la renaissance devenue agonie,
les mensonges, les pourquoi inutiles

Je marche, yeux ouverts

J'écris mes rêves, mes ailes atrophiées
soudain déployées,
je porte mon amour en collier de feu
je le disperse dans les feux de la mémoire
j'ai la peau qui pleure ses chagrins d'enfant femme

Je marche et je m'arrache la langue

Je jette les bribes de vie, les tu, les nous, les eux,
les espérances futiles, les fuites,
je jette et jette encore, cils après cils,
les morceaux qui crient encore
je déracine les désirs

Je bois les nuages, je tisse mes futurs,

Je marche, marche, au bout des murs
avec mon amour immense
la lumière en moi

Et j'arriverai en un port aux bras ouverts,
qui prendra ma tête sur les épaules des voiles,
qui boira mes mots dans les chants des poissons,
je serai sirène et j'entendrai, dans la houle des vagues,
une voix me dire " tu es, j'aime, prends moi, donne toi, offre toi, sois"

Enfin, dans l'aube d'une arrivée dernière,
je brûlerai les départs et les larmes rauques qui figent la bouche,
je deviendrai femme, unique, lumière,
dans le regard d'un homme nouveau
je deviendrai femme
dans le rouge des crépuscules des corps

Et je te regarderai comme on danse un monde,
toi que je ne connais pas mais qui me parle doucement.
Je laisserai ton souffle me faire grandir
j'attraperai toutes les histoires, tous les amours,

Je deviendrai étoiles et planètes...

Je recommencerai, dans ce port qui existe quelque part,
je recommencerai ma vie de femme

Il prendra ma main
et j'incendierai sa mémoire éternelle.

Il sera soleils ocres dans les nuits tordues.

Et il m'aimera à la démesure des ventres offerts.

il sera celui là qui berce les cauchemars, qui apaise la femme,
qui lui donne une vie en lui tatouant ses histoires.

Il ne me reniera pas, ne m'abandonnera pas....

Il me donnera une place, un nom, un lien profond avec la terre

Il m'acceptera dans ma plénitude trouvée

et je serai lumières.....

Mariem mint DERWICH

(Artiste : Sidi Yahya)

lundi 23 février 2015

L'homme...








Entends tu la terre qui inspire doucement,
là bas, la bas, tout au bout des souvenirs?
Portes tu la pluie qui goutte sur les arbres du jardin,
la bas, là bas, dans la mémoire qui s'endort?
Chantes tu les notes du désir,
là bas, là bas, là bas dans le lointain d'une chambre?

Y a t'il, endormie derrière tes paupières,
une femme qui rêve?
Dessines tu les mots de l'après,
là bas, là bas, dans le murmure des silences?

Homme debout, en pas, en chemins, en sourires fracturés,
poses tu sa chevelure sur ta bouche?

Danses tu les heures de rires, les rondes des mains,
là bas, là bas, dans l'odeur d'un parfum enfui?
Prends tu dans ton cou les mots envolés,
là bas, là bas, dans la douceur d'une feuille de thé?
Brodes tu les courbes, les creux, les déliés,
là bas, là bas, là bas  assoupis dans la pénombre?

Y a t'il, dansant dans ta mémoire,
une femme qui rêve ?
Cisèles tu les paumes aux bras ouverts,
là bas, là bas, dans les vents de l'amour?

Homme pluriel, homme ambigu, homme enfant,
poses tu sa chevelure sur ta bouche?


Mariem mint DERWICH

(Artiste : T. Chassériau)


Mes yeux fermés...













Il y aurait, dans le tourbillon de l'air,
un murmure, un soupir, une note ténue,
petits mots, petits mots...

Il y aurait des gestes esquissés, à peine effleurés,
des bleus en charmilles,
petits mots, petits mots...

Il y aurait mes yeux fermés, attente.

Il y aurait des silences en chuchotis,
des rires légers

Il y aurait mes yeux fermés, attente.

Et je serais là, à ma place,
mains ouvertes et paumes orphelines,
ma peau en écoute
ma bouche entrouverte
ma langue en prières

J'attendrais les mots de l'envol,
ceux qui rendent oiseau, papillon, libellule, voiles, vents, palmes

Petits mots, petits mots....

Mes yeux fermés, attente.

Petite fille, j'irais courir dans la nuit,
jusqu'au bout de mes peurs,

et dans mes poings j'aurais le monde de ce Je t'aime
attrapé au bout de l'horizon....

Mariem mint DERWICH

(Artiste : Mokhis)






mardi 27 janvier 2015

Tu....










Je marche
et tu es, présence, ténue, fragile, tremblante,
souffle léger en murmure sur mon épaule posé

Je marche, en oubli, mes pieds dans les sillons,
je récite les prières bleues, celles qui frémissent,
celles qui font s'apaiser

Je marche, aux frontières de ma mémoire,
et tu es, chaleur sur ma peau déposée
tu es, en mots contés, en mots piquants

Je marche, et je dévide les noms, les noms de ceux qui ne sont plus,
fantômes de tous mes rêves,
je marche, marche encore, sommeil des envies

Je marche, en petits mots, ceux qui furent tout, ceux qui furent ciel,
étoiles, livres ouverts, couleurs sur les paupières,
et tu es, en lisière de mes doigts

Je marche
je pianote les notes sucrées, douces amères,

J'écoute les possibles endormis aux horizons,
ils fredonnent la mémoire des corps,
les chants des profondeurs,
ceux des regards accrochés au bord des lèvres,
ils me tissent les frissons,
les arabesques des jeux,
les mains accrochées, comme repliées sur le feu

Je marche,
tout en marchant je me fais statue,
je me dépouille de tout,
tissu après tissu

je redeviens la femme qui danse
et tu es,
dans les bruits des vents
ta voix au creux de mon cou

Je marche et je me pose
morceau après morceau
dans l'immensité de ce qui est


Je redeviens la femme qui danse
et dans la pâleur de la nuit qui vient,
au bord de mes routes,
tu es

Mariem mint DERWICH

(Artiste : Kandinsky)

vendredi 23 janvier 2015

Infinis...













Dans les espaces infinis, dans le souffle des planètes,
dans les chants des galaxies,
dans les contes chuchotés par les étoiles,
dans les aurores des mondes
et les histoires immenses,
j'irai

j'irai inventer de nouveaux mots,
j'irai saupoudrer mes rêves de sonorités colorées

Et quand les corps ne seront plus, atomes de soleil,
fantômes des Big bang,
quand les yeux se seront fermés à jamais
je déploierai toutes les mémoires
je serai souffles
et tempêtes
j'irai

j'irai dire, à la face de l'infini, mes langues oubliées,
j'irai danser sur les poussières de temps

Et quand le tout sera à nouveau, quand d'une lettre
naîtront les alphabets de demain,
quand dans la silhouette du langage riront les chants d'ailleurs
je partirai vers les frontières qui ne sont pas,
départs et retours, cercles et horizons,
j'attraperai la queue des comètes,
j'irai

j'irai, souvenir de corps, m'inventer des futurs lointains,
j'irai promener mes passés, je les frotterai aux Nova

Je me re créerai, encore et encore, naissances et morts,
re naissances, de marches en marches, de mots neufs en mots ouverts,
je deviendrai étoile

et, au bout de mes voyages, je redeviendrai coeur et femme

Mariem mint DERWICH


mercredi 21 janvier 2015

L'oubli des heures de nuit...











Chercher, chercher encore l'image du miroir,
la lumière dans les yeux
petite chose chaude, au bord des paupières
puits sans fonds, rempli d'étoiles

Plier la nuque, sentir, toucher la bouche, compter les frissons,
entendre la musique des mains

Tourner la tête, ployer ses cheveux, souffler sur les doigts,
comptine amoureuse, comptine câline

Poser son visage au creux de ses bras, pleurer, pleurer,
pleurer à en perdre la couleur des yeux, à en disparaître,
pleurer jusqu'à la déraison de toutes choses
pleurer à en oublier de voir

En ses mains reposer ma mémoire, bruissements des mots chuchotés,
devenir musique, heures, secondes, siècles

Aimer le frisson courant sur la peau, le rire absolu des lèvres gaies,
sauter les jours, sauter les nuits

Enjamber les ponts, déployer le corps, semer les baisers,
les promesses des amants, les berceuses enfantines

Arrondir la peine, atténuer le chagrin,
dire, dire, dire
dire les mots qui dansent, les mots magiques,
dire, dire, dire
dire la déraison, dire l'amour, dire les mondes

Poser les mains sur son ventre, poser des arpèges voluptueux,
espaces infinis enclos entre les cils

S'endormir, enfin, dans le fouillis des yeux gonflés,
renifler comme la femme redevenue enfant,
fermer les doigts sur les "jamais", les "toujours", les "aime moi"
l'oubli des heures de nuit

Se réveiller et recommencer
dans la moiteur des heures ternes
accomplir les petites choses
rire quand il faut rire

Poser au bord de la porte ses chaussures,
lever le visage à la pluie
Etre fantôme, être brume, être nausée
Ne plus respirer
Ouvrir la bouche pour laisser passer la folie

Et, s'endormir, enfin, dans le fouillis des yeux gonflés,
renifler comme la femme redevenue enfant

fermer les doigts sur les prières en chapelets
l'oubli des heures de nuit

Se réveiller et recommencer

Apprivoiser la bête tapie dans le ventre....

Mariem mint DERWICH

(Zeïnabou CHIAA)

heures de pluie....













Il pleut
je souffle sur la vitre, du bout du doigt je dessine
doucement, doucement,
enfermant mon souffle dans le bruit de la pluie sur les carreaux

à mes oreilles j'entends chuchoter tant de choses,
tant de choses,
doucement, doucement,
je pose ma peine au bout de ma langue et je ferme les yeux

je voudrais devenir pavés, feuilles mouillées, odeurs âpres,
devenir oiseau mort
doucement, doucement,
je replie ma main sur le mur posée

Il pleut
et la musique amère, la musique syncopée,
doucement ,doucement,
fait pencher mes mots, je suis aphone

j'ai le corps dévié, loin de la route,
j'ai les silences comme des chaînes lourdes,
doucement, doucement,
je me roule en boule

je voudrais devenir grain de sable, atome, misère,
devenir le mot mort, le mot disparu,
doucement ,doucement,
j'enfonce mes doigts dans mes yeux

Il pleut
je suis aveugle, je suis sourde, je suis muette, 
doucement, doucement, 
j'écoute la douleur monter

doucement, doucement
je m'estompe, je calfeutre ma mémoire,

je lève mes yeux aveugles et mon âme et mon sang et mes poings et mes cris

et je brise la vitre

Mariem mint DERWICH

(Guy DENNING)




lundi 19 janvier 2015

Mon coeur....













Il est toujours là
ce battement de coeur perdu,
toujours là,
au bord des lèvres, en partance
et, pourtant, si présent

Il est toujours là comme une douleur sourde
qui tait les cris et les contes

Il est toujours là
ce battement de coeur perdu,
toujours là,
endormi dans mes mots,
innocence envolée

Il est toujours là, petite chose acérée
qui regarde le miroir

Il est toujours là
ce battement de coeur perdu,
toujours là,
accroché aux milliers de battements de coeur perdus,
arrêté au bord du chemin

Il est toujours là, en farandole,
dansant la douceur des images

Il est toujours là
ce battement de coeur perdu,
toujours là,
je souffle doucement sur lui, oiseau aux ailes brisées,
je souffle doucement sur lui et je lui parle,
je lui parle et éponge le sang,
je lui parle des aurores à venir,
je lui parle des nuits à créer,
je lui dis les pages des livres et les musiques des poèmes

Il est toujours là et je le regarde
j'ouvre ma poitrine pour qu'il revienne en moi.
J'empoigne mon coeur, je compte les battements,
j'écoute le tambour des choses qui furent,
ma peau devient rythmes.
J'empoigne mon coeur, je le lance aux cieux.

Et je lui dis : aime, mon battement de coeur perdu......!
Aime !

Mariem mint DERWICH

(Artiste : KLIMT)


mercredi 14 janvier 2015

Je m'envole...













J'ai cet amour passé, couleurs des temps infinis,
comme une prière dans l'aube de mon corps,
en écritures arabesques sur ma bouche,
enfermé entre mes cils et chuchotant au bord de mon regard.

J'ai le goût doux amer de la peau sous la langue,
petits papillons du désir et des rives lointaines

J'ai le coeur racontant les histoires d'avant,
les battements perdus, douceurs,
j'ai le coeur en images, murmurant les promesses des étoiles,
la musique comme des mains dans mes cheveux.

J'ai la lumière rêveuse de celle qui marche au bout du monde,
dans la splendeur des pluies chaudes

J'ai les lettres inscrites au bout des doigts,
mains vers le ciel et je dis nos noms, offrande à la nuit,
j'ai les lettres des ports, des départs, des Je t'aime,
posées sur mon cou, à l'orée de mon oreille

J'ai la mémoire dorée de ce qui fut dans la douceur de la voix,
petites chansons des nuits endormies

J'ai les contes enfantins, les comptines des rondes amoureuses,
les couleurs passées des rires, des soupirs lissant mes épaules

J'ai la tête vers le ciel renversée et je le regarde, de ce lointain où je m'envole,
je le regarde dormir dans ma mémoire
je pose ma main sur son bras et dénoue mes doigts
et je lui dis mes horizons, mes exils, mes chants des dunes, mes chants des vents

J'ai tous les murmures du monde, en bordure de mes mémoires,
en bordure de son corps allongé

Je danse, je danse, je pose mes pieds dans la poussière des jolies choses perdues

Je le pose dans mes mains et je lui parle, je lui dis, je lui dis les mots qui naissent,
les mots qui furent, les mots tus, les mots langueur, les mots poésie.

Et je m'envole....

Mariem mint DERWICH

(Artiste : Ademaro BARDELLI)




lundi 12 janvier 2015

Etre mots...













Parler de tout et de rien
parler comme on aime, parler comme on pleure,
parler comme on rit
Ecrire tous ces mots, les mots de l'absurde,
les mots des choses insignifiantes et des choses immenses

Dessiner les lettres, les remplir des sens nomades,
vouloir y tatouer la langue,
dévider, arrondir, graver

Empoigner le verbe, le poser sur ses mains,
écrire à n'en plus finir
écrire à en mourir parfois
écrire pour vivre
entendre les notes de la mer
et les chants des vents
et les flûtes de ceux qui ne sont pas

Colorier les mots, enfanter les alphabets,
inventer à l'infini les mots neufs, les mots nouveaux,
en faire des tableaux de nos corps

Poser les mots sur nos ventres,
les écouter danser, offrir des frissons,
les boire sur nos bouches et les laisser chantonner.
Etre mots, simplement, mots d'argent et de vermeil,
mots d'enfants et mots des hommes,
mots des poètes, mots des sables, mots enluminures,
être mots des abîmes et mots morts, mais mots de vie

Donner les mots aux arcs en ciel, en faire des papillons,
en faire des enfantements, des renouvellements,
des cadeaux naïfs pour ce qui est

Et puis prendre le mot, le mot qui est tout, celui qui nous berce,
le tresser en ailleurs lointains
le sculpter sur nos paupières
regarder les nuages
regarder la lune
inspirer l'éternité
boire, la bouche collée à la terre

Fermer les yeux, ouvrir les doigts,
devenir mot, devenir mots

Renaître

Etre

Mariem mint DERWICH

(Artiste : Abdel Malik Nounouhi)


samedi 3 janvier 2015

Les mots de Mona Mac DEE, ce beau "dialogue" à 4 mains que nous effectuons, ces regards croisés, ces intimités de femmes partagées....

Mon "Autre"

Tu es murmure, miroir lointain,
jour après nuit, je t'entends,
en écho,
d'une oreille au coeur;
tu me chuchotes les cris d'orage,
les douleurs vives,
les absences.

Abaissée à n'être rien,
acculée à leur être tout,
tes larmes coulent sur mes joues et tes poids courbent mes épaules.

Nos rires s'éclaboussent,
nos paumes sur l'écran se fondent,
et nos doigts que la plume emporte,
alignent un à un,  les mots étonnés et furieux.

je t'entends, encagée, arpenter au-delà des murs, les dunes de tes hanches, rondes et sensuelles, et s'écouler les grains de sable de ta terre, si doux entre tes mains, libérées.

Sans cesse, nos voix se croisent, s'emmêlent, là au centre de moi, en ce chant si léger, que seules peuvent fredonner les femmes-envie...

Mona Mc DEE"

http://monazarts.blogspot.be/2015/01/mon-autre.html



vendredi 2 janvier 2015

Ma terre




















Je porte ma terre
emperlée au bout de mes doigts

Je la prie, la déroule, la récite,
grain après grain,

Je la porte en livres, en vers, en chants,
tatouée sur mes épaules

Je la danse, l'empoigne, la caresse
fil de laine après fil de laine,

Du fond des nuits froides je la tire
la rappelle au bord de mes cils
je lui raconte les soleils
et la mer et les hommes,
les enfants et les femmes,
les vieillards accroupis,
les mendiants en aumône

Je la tisse, je l'ouvre, je la lis
j'épèle les matins dans les chants des mosquées
les notes lourdes
les prières murmurées

Je raconte les plis, les dunes, les arbres, le Fleuve
les voix dans la poussière
j'écris
je tamise les vents, j'attrape les lettres 
je fais de ses voix des grands larges des draps froissés,
à l'odeur de l'amour

Je prends l'homme par la main, je le roule sur mes flancs
et je gravis les sentiers des caravanes
je me  pends au cou des chameaux, je bois les larmes de leurs yeux
je pose ma tête sur leurs cous et je m'endors

Je chante ma terre, mes terres, les pourpres des réveils,
je suis le paysan arrimé à la terre, mains puissantes
dos courbé

Je nage dans ses eaux, je suis pêcheur, habitant du monde de là bas
j'ai le corps poisson, le corps sirène, le corps abysses, le corps pirogues,
en éclats liquides

Je suis fille des nuages, je poursuis les rêves fous aux yeux brûlés
et les poèmes et les temps infinis
j'ai la couleur de mes chemins

Je suis rahla, je suis jehfa, je suis homme, je suis femelle,
Je suis dguig
Je suis lait
Je suis tassoufra
Je suis musique, je suis Nqaymish, je suis noire, je suis blanche

Je suis les 4 points cardinaux et la rose des sables
Je suis ébène, je suis coquillage
Je suis voiles
Je suis dialdiali

Je prends la femme par la main, j'enfante, je crie la délivrance
et je donne au ciel mon ventre ravagé
je me couche contre son sein
je deviens mère

Je suis femme des immensités
je suis femme sable
je suis femme thé
je suis femme divinations

Je pose mes paumes à l'orée des bathas
je tourbillonne au son de la flûte
je prends les mots des griots et je déchire la pluie d'hivernage

Je porte ma terre, 
voyageuse éternelle en absolu d'immortalité

Je l'inscris sur les murs du monde en mes langues chantonnées

Je suis fille de tous les royaumes.....

Mariem mint DERWICH

(Artiste : Sidi Yahya)





jeudi 1 janvier 2015

Pertes...













Je n'ai pas les mots pour dire
dire, dire encore, dire à en perdre le sens,
dire l'indicible,
l'adoucir un peu, le polir, le rouler dans le creux de ma main

Je n'ai pas l'écriture pour signer les mots, les ouvrir,
leur faire perdre leur aspérité
écrire, écrire encore, écrire à en perdre l'alphabet des sens,
les tamiser dans la lumière de mes yeux

Je n'ai pas les armes à la main, le poing dressé,
je n'ai pas la cuirasse
je n'ai pas les futurs

Je suis comme un rond dans l'eau, en cercles évidée,
bois mouillé,
herbes mouvantes,
bleu vert des profondeurs

Je ne sais pas bouger au rythme de la douleur

Je ne sais que me lover en moi même, aller là, au plus profond,
là où il fait si noir mais si doux
aller là bas, tout là bas, de chemins de déraisons en chemins de folie,
aller là bas, au pays des anges déchus

Je ne sais pas danser, je ne sais plus tourner sur moi même

Je sais les cachettes des enfants terrifiés, celles où le monstre dort sous le lit
je sais les écorchures et le sang
je sais les coups et les bleus

Je ne sais pas respirer, je ne sais plus boire les vents

J'ai perdu les traces de la lumière du monde
je le murmure, je le murmure, je le murmure
jusqu'à ce que la parole devienne silencieuse
langue coupée
ailes brisées

Je ne sais plus manger les couleurs et les réveils

En moi je me replie, rond après rond, cercles après cercles,
bracelets de cheville emmurant mes lèvres

Je ferme les mains et je pleure dans le noir.

Mariem mint DERWICH

(Artiste : Patrick SINGH)