dimanche 31 octobre 2010

Maux...

Quand nous avons été dans vos bras avez vous entendu nos poèmes d'amoureuses? Avez vous suivi les chemins des désirs?
Avez vous bu le frémissement des lèvres?
Nous avons posé nos bouches dans vos cous et, dans la pénombre, avons chuchoté nos paroles de désirs. Nous avons enfermé vos mots dans nos cheveux . Nous avons caressé vos têtes posées sur nos ventres. Nous avons effleuré vos fatigues. Nos mains ont chanté vos corps.
Nous vous avons porté en coupe, colliers charnels. Dans la nuit nous avons ouvert nos corps pour que vous y inscriviez vos maux d'amour. Nous avons plié nos corps, modelé les draps, réinventé les joutes.
Nos corps se sont fait vallons, collines, senteurs, bois, herbes, oiseaux, gri gri...
Nous vous avons regardé gémir et oublier, un instant, les différences. Nous nous sommes enroulées. Petits animaux chauds...

Et dans l'instant fugace d'une moiteur secrète nous vous avons offert nos peaux.
L'avez vous oublié?
Nos corps enfermés sont comme des désespérés. Prisonniers des carcans et des tabous. Ils sont niés, déformés, malaxés aux diktats des aveuglements. Depuis la plus tendre enfance on nous inculque la retenue, la pudeur et la bienséance. Formatées à devenir des femmes, puis des mères, puis des grands mères, nous ne sommes que la somme des désirs des autres. Nos quotidiens sont empreints des gestes "qu'il faut" pour une femme. On nous apprend à éviter le regard des hommes. Pire, on nous apprend à éviter notre propres regards.
Ce regard impudique que nous pourrions porter sur nous mêmes et sur nos devenirs en gestation. Nous portons nos corps comme les étendards de la société. Nous sommes monnaies d'échange contre les fantasmes véhiculés par nos sociétés patriarcales. Une fille c'est, dès la naissance, un honneur à protéger. La dignité ne passerait elle que par les corps féminins?
Quand la petite fille joue les cheveux aux vents dans l'innocence de la tendre enfance sait elle qu'elle est  déjà, même impubère, impure? Ne devine t'elle pas cette arrogance des désirs familiaux?
Chez certaines on traque dans le sang les signes de l'Autre qu'elle aurait pu devenir. Et sous la lame du rasoir de l'exciseuse, dans les cris et les larmes, elle se voit excisée, martyrisée : car la femme ne semble être réduite qu'à ce clitoris qui fait l'horreur des contingences pseudo sociales. Et par le sang on lave et on construit de force une future femme. C'est dans l'horreur que naissent, alors, les "bonnes" filles, celles qui pourront s'ouvrir à leur mari et voir couler de nouveau le sang.
Ah le sang... Glorieux quand il s'agit de celui de la perte de la virginité, celui qui prouve que la famille a bien surveillé sa fille! Impur quand il s'agit de celui des menstrues.
Sang de douleur que celui des accouchements. Sang d'honneur quand il coule après la torture de l'excision. Sang encore et toujours.
Nous sommes ensanglantées. Nous sommes rouges de tous ces sangs. Ne voyez vous pas les fleuves de sang que nous portons, les sangs de nos mères et de nos grands mères? Tous ces cris et toutes ces souffrances?
Nos sexes ne sont que sangs. Nous sommes réduites à ce sexe qui nous fait différentes.
Toutes nos enfances ne sont que préparations à ces autres sangs : celui qui coule chaque mois et qui fait de nous des interdites hors mariages car prêtes à tous les enfantements, celui qui coule dans la souffrance lors de la nuit de noce, celui qui gicle quand nous expulsons nos enfants.
Il faut bien alors voiler les femmes pour cacher la souffrance et tous ces sangs. En faire une quasi divinité tout en gommant les courbes et les voluptés.
Nous sommes objets de tentation dans des sociétés en mal d'amour. Où les hommes sont dévorés par le charnel. Et pour combattre le charnel, nions l'objet du désir. Nous faisons fantasmer. On nous chante, on nous encense, on nous désire. Les regards sont désirs.
Mais seuls les désirs masculins ont droit de cité. Ils brûlent. Ils incendient.


Que n'avez vous pitié des femmes?

jeudi 28 octobre 2010

Peut on mourir du regard d'amour?

"Le jour où j’ai écrit je t’aime...
ils ont dit poétesse
Je me suis mise nue pour t’aimer...
ils m’ont traitée de prostituée
Je t’ai quitté pour les convaincre...
ils m’ont traitée d’hypocrite
Je suis revenue vers toi...
ils m’ont traitée de lâche
J’ai commencé a être hantée par mes vers
et a offrir mon corps nu à la glace..."

Ahlam Mostaghanemi
(Mostaghanemi Ahlam, 1976, Écriture nue, Dar-al-adab, Beyrut.)

La morale veut que l'amour soit pudique, empreint de dignité. On se chuchote entre filles "j'aime"... "je suis aimée", avec des yeux de gosses émerveillés. On cache derrière la main le rire de plaisir.
Quand l'aimé est là on fait ce que l'on sait le mieux faire : jouer. Jouer à en perdre la déraison car qu'avons nous appris d'autre que le jeu, les non dits, les désirs à baillonner, la dignité.
Mais l'amour est il digne?
Au début ce sont les yeux de l'ami de coeur. La faim immense que l'on y perçoit . Le frémissement du désir blotti au coin des lèvres. La main hésitante qui s'émeut de ne pouvoir toucher.
C'est le voile que l'on fait glisser doucement de l'épaule, juste quelques secondes pour brûler l'amoureux. et, pffuit, le corps de nouveau réenfermé, caché, nié.
Les amoureux  sont rarement seuls. Ils s'épient, ils se dévorent chastement du regard, ils imaginent...
Il fut des temps où le tintement coquin d'un bracelet de cheville suffisait à rendre un homme fou d'amour / désir.
Amour / désir.... C'est le grand écart permanent entre la chair et la tête. Car si l'amour est permis, encouragé, chanté, loué, déclamé, le corps est interdit. Il est objet de sermons. Il est brandi comme la récompense à une éventuelle bonne manière de vivre. Les corps secrets promettent des délices matrimoniaux. Hors du mariage point de félicités. La jouissance est haram. La jouissance est laide.
Au point que des générations de femmes, lors de l'acte sexuel, se couvraient le visage de leur melhafa. L'acte d'amour est honteux.
L'homme seul est maître d'un désir sexuel vécu mais non intégré. Non appris.
Nous sommes une société où on meurt d'amour, de faim d'amour; tout en étant ignorants des choses de l'amour.
Et où l'on meurt du regard d'amour. Femmes, nous sommes suspendues à ces regards d'amour / désir. Sans oser attraper au vol le désir de l'amoureux.
Tout est dans le regard. Avant le fantasmé acte d'amour, redouté et attendu.
Et nous faisons l'amour par regard.
Nous pouvons mourir du regard d'amour : à défaut de toucher ta peau, de toucher mon corps qui t'est interdit, je t'offre mes yeux. Et nos yeux sont langues, peau, odeurs, caresses, salive, soupirs....
Et je peux mourir, moi aussi, de ton regard d'amour.....

mercredi 27 octobre 2010

Mille et un je ... Je, Tu, Elles, Nous...Plurielles. Féminin / féminin. Féminin singulier, féminin plurielles. Dans la touffeur de nos sociétés, dans une société frileuse où la parole est dévidée comme un chapelet, les mots / maux des femmes mauritaniennes sont comme les perles des brodeuses : nacrées. Tout le monde parle mais qui entend? Qui entend les paroles de femmes?
Objets de tous les désirs, elles sont fantasmes. Elles sont mères, épouses, gardiennes de la morale. Elles sont tractations et alliances. Elles sont poésie.
Mais dans cet océan de fascination les femmes ne parlent pas ou si peu.
Et surtout pas d'amour. Schéhérazade des temps modernes elles traversent les imaginaires masculins.
Elles sont corps, sensualité et désirs. Odalisques.
Mais qui entend qu'elles ne sont pas que ça? Peu de femmes parlent d'amour physique, de sexualité ou de sentiments.
Leurs corps sont les réceptacles de toutes les envies. Mais les hommes savent ils à quoi pensent les femmes qui traversent leurs imaginaires?
Qui est l'amante? Qui est l'épouse? Qui est l'amoureuse?
Combien de désirs derrière les paupières maquillées... Combien d'envols ratés... Combien de larmes accrochées au bord des lèvres...Combien de blessures...
Ce blog est écrit à 4 mains.  4 mains de femmes de Mauritanie. Des mains blanches et noires. 2 parcours différents mais des mémoires identiques, voilées par les diktats.
4 mains, 2 femmes, 2 destins. Les mêmes maux d'amour.
Textes libres où nos mémoires vont voyager dans les imaginaires. Nous ne sommes pas toutes les femmes de Mauritanie. Mais nous les portons en nous, enfouies au creux de nos ventres.
«Le femme est le rayon de la lumière divine.» Djalal al-Din Rûmi
Parlons d'amour, voulez vous?

mardi 26 octobre 2010

Double "je"

Double "je", regards croisés, chuchotis... De soeur à soeur, sans tabous. Parler de tout, oser la parole. OSer la mémoire de femmes.