lundi 17 octobre 2022

Le chat de Patagonie

 Au fond de mon café

un chat de Patagonie

et un voisin

et un bateau

et le feu d'une terre recommencée.

J'écoute le monde

conversation

dans des yeux lointains.

Accoudée au bar

au fond de mon café 

un chat de Patagonie

habite une voix

une voix voiles, une voix des frontières

une voix sels et embruns.

Au fond de mon café

un chat de Patagonie

arpente les mers

dans le chant des haubans.

Je regarde ma tasse de café

pour entendre

pour fermer la porte aux bruits de bottes.

Je m'en vais

Je laisse ma tasse inachevée

pour qu'un chat de Patagonie

amarré à la mémoire d'un vieux marin

puisse s'endormir

dans une histoire racontée maintes fois,

à chaque fois semblable,

à chaque fois différente.

Mon chat de Patagonie

ramassé sur une côte aux vents rugissants,

mon chat de Patagonie est mort

dit le vieux marin.

Alors,  pour l'homme qui a traversé les mers

je laisse ma tasse de café

parce qu'un chat, un chat de Patagonie, y dort...


mercredi 7 septembre 2022

Tu dis Rugueux

 Mon pays dit "J'habite un pays rugueux"

Tu dis écailles

Tu dis sel

Tu dis épines

Tu dis sang

Tu dis " il a volé"

Tu dis " Il a donné"

Tu dis " Je t'aime"

Tu dis " Je prends"

Tu dis rugueux le souffle

rugueux le toucher

le boire, le manger, l'inspirer

Tu dis "Noir"

Tu dis "Blanc"

Tu dis négritude

Tu dis peau blanche

Tu dis le sillon dans les champs

Tu dis la trace de la dune

Tu dis nuages

Tu dis fleuve

Tu dis femmes

tu dis Talibés

Rugueux tes sillons mains

Rugueux l'amer de ta salive

Tu dis Je prie

Tu dis Meurs

Rugueux, rugueux le rônier

rugueux le mil, le sorgho, la boue, la pluie, le soleil

Tu dis écailles

Tu dis poissons

Tu dis chameau endormi

Tu dis mouton sang et couteau

Tu dis Pays

Mon pays te dit " J'habite un pays rugueux"

Rugueux les pieds

Rugueux ton sommeil, ton lit, ton livre ouvert

Rugueux tes yeux ouverts, tes yeux fermés

Tu dis Colère

Tu dis Donne moi

Tu dis Laisse moi

Tu dis Je suis douleurs

Tu dis Je danse au mariage

Tu dis Ma fille

Tu dis Eux, Elles, Pas moi

Mon pays te dit " J'habite un pays rugueux, au creux d'un oued de paroles,

dans les pierres et les levers de soleil, dans l'acacia et dans la trace des mains,

j'habite un pays rugueux, moi pays qui t'habite, moi pays qui m'habite"

Tu dis Je passe

Tu dis Je tue

Tu dis Va t'en

Tu dis Je suis ici et là bas

Tu dis rugueux le chemin et la trace des oiseaux ancêtres

Et puis tu rentres chez toi,

rugueux les murs, rugueux les regards

et tu dis " Je suis seul dans mon pays rugueux qui habite en moi 

et qui s'habite dans l'ombre d'un Alif."

Alors, assis au coin du mur, tu couds ta bouche.


Mariem mint DERWICH


mardi 7 décembre 2021

Fleur de sel

À la fleur de sel de la peau,

la pierre des chemins.

Parcourir le torrent

là où la route se termine


Et le ciel qui devient pourpre


La douleur est une grande marée

qui attache les histoires,

trame des algues à la lisière du faisceau

qui balaie la mer et la mémoire.


J'ai marché le long de l'abime

dans le feulement des vagues

J'ai cru voir

J'ai cru voir

J'ai cru voir


Accrocher ses yeux

et la mer autour

tout autour

dans les sillons du visage


C'est ainsi que le corps se dénoue bateau

pour les larges

et les routes

et les grands ressacs


J'ai vu des hommes partir

et des femmes revenir

au long des sables,

y écrire des pointillés


Et l'infinie virgule,

dans le miroir d'une histoire

murmurée la nuit,

l'infinie virgule

a arrêté l'horloge

avant mes mains

avant mon coeur 


J'ai vu le tout dedans

et j'ai donné ma parole

en échange de la mer

pour que mon sommeil

enfin

ne soit que la carte de mes vies inventées.


Mariem Mint DERWICH

jeudi 1 octobre 2020

À Trois Rivières, une question

(à Joséphine BACON) 

une question a été posée

entre le café et un gâteau,

sur une feuille rouge au sol.

Une question a été posée

Je l'ai oubliée

Quelle était la question

dans le murmure des poésies

accrochées sur un fil?

Quelle était la couleur de la question

odeurs de la réserve?

Quelle était la couleur d'une réponse

à écrire sur une dune d'ici, de là bas?

Je ne sais pas, je ne sais plus

Mais je sais qu'à Trois Rivières

une question m'a été posée dans la parole de tes yeux

J'ai répondu à la question muette : 

regarde, une femme marche...

Toi et moi, debout, la poésie dans la langue des Anciens.

Entre le caribou et le chameau

une confluence :

la mémoire des sangs et de nos mères / pères / paires / mers


Mariem mint DERWICH

samedi 4 avril 2020

Mais la mer...

Je ne sais pas la déchirure du ciel
ni le vol d'un nuage
- ils murmurent, ils murmurent -
Je ne sais pas la terre ouverte
le sang dans les sillons
et le mot enfoui

Je ne sais pas ce que raconte l'oiseau
- la fenêtre est devenue un théâtre lointain -
La vie, dehors...

Je ne sais pas
Je ne sais pas

Je ne peux pas écrire l'aube
- là, quand ça pleure de soleil naissant -

Je ne sais pas
Je ne sais pas

Mais je sais la mer
mais je sais la mer
et le chant des forêts
- laminaires -

Je ne sais pas
Je suis là
Je ne suis pas là
- Où étais-je donc ? -

Le monde s'est tu

Mais je sais les paroles de la mer

- Là bas, là bas -

Toi et moi nous n'y sommes plus

Mariem mint DERWICH


dimanche 1 décembre 2019

Rue du corps perdu...

Et soudain
mon corps
corps cage
corps arbres
corps chaud
corps dunes
corps femelle
corps encens
corps enfants
- Et soudain -
mon corps se replie

À l'orée des yeux
- et soudain mon corps -
redevient épines
corps ronces
corps cicatrices
corps sang

- Et soudain mon corps-
accroché aux haubans
contre le ciel bas
mon corps martyr
mon corps orphelin
mon corps tempêtes

Et soudain
(mon corps)
dans la seconde
s'enfuit

Et toute la mer
et tous les vents
 - et soudain mon corps -
a disparu
replié
puzzle désordonné

Un mot au monde
déposé sur la nappe en plastique
- et soudain mon corps -
n'est plus

( et mon corps soudain
se regarde, mal)

Mariem mint DERWICH


jeudi 21 novembre 2019

EAU

Nous irons en nuages
Béance des départs marées

Et le sel sur la nuit

Le vert, le rouge
Lumières

Nous irons en mouvances
Oiseaux de mer
Là où le monde ouvre les yeux

Fin de la terre
L'homme est-il nouveau?

Nous irons parler sables
Accrocher les étoiles
et mon nom, et ton nom et leurs noms
Noms voiles, noms sommeils
Eau

Et le sel sur les yeux

Nous irons vagues

N'aie pas peur me dis-tu

Je n'ai pas peur
A t'on peur de la nuit?

Nous irons en racines

Et le coeur dans les mains
Murmurera
Le port qui s'éveille

Nous irons en béances
Ma bouche à ta peau
Tes cils à mes cheveux

Et nous dormirons au monde

N'aie pas peur me dis-tu...

Mariem mint DERWICH


vendredi 16 août 2019

Au bout des nuages
l'écume tait les mots

et moi je marche

Au bout de l'eau
la note noire et la note blanche
pour le ciel, pour le sel,
pour une après-midi

Au bout d'une cale
l'horizon

(Je t'aime dis-tu)

Mariem mint DERWICH

lundi 22 juillet 2019

Note

Tu ouvres le regard
je ferme les yeux
Les paupières ne sont que mots de l'aube
( et les bateaux s'endorment à la nuit
La marée et les silences)
Tu fermes le regard
j'ouvre mes yeux

Au bout, tout au bout, tout au bout
au bout de la terre, au début de l'eau,
je lis tes yeux en mon regard fermé

Je compte les mots et la note unique

Peut-être est-ce ainsi que l'on aime...

Mariem mint DERWICH

jeudi 13 juin 2019

Ma belle histoire,

Je ne voudrais n'être que ce corps tournoyant, ma main en la tienne et ta paume que je dessine en moi, que je remplis de petits grains de sable, ceux de la mémoire, ceux qui s'endormaient au soleil sur tes chevilles là-bas, quand tout l'horizon entra en mes yeux. Au bord d'une île, au bout du monde, dans le dernier soleil avant la mer....
Je ne voudrais n'être que la brume de tes yeux soudain enfouis en les miens, aquarelle étrange et douce qui raconte un homme dans toute sa vulnérabilité.
Je ne voudrais n'être que ma tête sur ta poitrine, quand tu murmurais tes vies et que je m'accrochais à ton odeur de peur de m'envoler, de disparaître de tant de bonheur et de tant de peurs aussi, quand quelque chose lâchait en moi, se dénouait, redevenait humain et non plus pierres et déserts.
N'être, naître, renaître... vivre.
Et toi en bord de moi, en morceau de moi, en particule unique, en mots sur mon âme.
Tu es ma diagonale de l'absence et de l'amour et je respire ainsi, pointillé arc-bouté à une mémoire.
Tu es ma diagonale de l'absence et de l'amour, et du désir et de mon monde devenu duel : ta peau, ma peau. Tes yeux, mes yeux. Ton coeur et mon battement infini.
Ma diagonale amoureuse...
Et, soudain, je ferme les yeux sur un sourire de toi si beau, si émerveillé, si amoureux, si étonné...quand tu redécouvrais la puissance de la vague.
Ma diagonale amoureuse...
À jamais ancrée en moi, à jamais tatouée sur mes mots...
Et alors un Je t'aime devient l'essentiel.

MMD

mardi 23 avril 2019

La robe

Il y a au fond de l'âme mille ruisseaux
(Mais qui es-tu ?)

Il y a au fond de l'âme mille ruisseaux
ils ont pourtant lavé de sang ma robe
ma robe
mes jambes

Je n'ai pas parlé

Il y a au fond de l'âme mille ruisseaux
et une voix
et mille voix
une voix pour chaque langue disparue
ils ont lavé de sang ma robe
ma robe
mes jambes

Je n'ai pas crié

Il y a au fond de l'âme mille ruisseaux
et mon corps
corps de ma mère
corps des mères de ma mère
l'enfantement infini
le bleu du ciel
l'amour
le sucre et le thé
le sourire d'un enfant poussière
une prière
des murs blancs dans le soleil
un livre et une pensée
un phare et une étoile

Il y a au fond de mon âme mille ruisseaux
(et une robe brodée de vents)

Mais au bout du fusil des juges
le monde est vide


Mariem mint DERWICH

lundi 8 avril 2019

Mot...

Chaque mot est un tatouage
épaule nue
main ouverte
paupières et peau
Chaque mot est un tatouage

Avant l'ici, avant le maintenant,
qu'y avait-il?
Avant le début du cri
j'ai pris la route
accrochée à un mot
Avant l'hier et avant l'avant

Chaque mot volé à la route
tes yeux pour encre
- je t'aime  -
Chaque mot est un tatouage

Non, me murmures-tu,
Chaque mot est une voile

Mariem mint DERWICH




mercredi 3 avril 2019

Aube

Entre un phare et moi
un chemin herbes mouillées raconte le petit matin
Je m'habille de sable et de sel
de bois sous mes pieds

Un oiseau strie le ciel

Dis lui, dis lui, dis lui les terres infinies
Dis lui que la mer vit en nos mains
Dis lui que l'on meurt au bord d'une bouche
Dis lui la marque d'un pied dans une marée qui monte

Dis lui qu'entre un phare et moi
un chemin herbes mouillées raconte le petit matin

Plénitude

Mariem mint DERWICH






(En miroir..)

Je me suis noyée dans le jour.
Je dors.
Je te regarde.
J'ai enroulé l'algue à mon poignet

Simplicité

Mariem mint DERWICH

mardi 2 avril 2019

Tableau

Tu dors
Je te regarde
Une seconde vient de s'écouler
Une algue s'enroule au cou du monde
Le bonheur est un grain de sable
endormi sur ta cheville
Tu dors
Je t'aime

Simplicité

Mariem mint DERWICH

samedi 30 mars 2019

B., l'homme sans terre...

Que restera t'il du monde arabe
quand la Palestine sera morte?
Qui écrit l'histoire, dis moi, qui écrit l'histoire?
Où la honte est-elle tapie?
Dans les fusils des soldats
dans les yeux qui se ferment
sur la terre lointaine
Dans le silence de ceux qui s'indignent en détournant la tête?

Que restera t'il du monde arabe
et de l'âme des fontaines et des oliviers?
Qui écrit l'histoire, dis moi, qui écrit l'histoire?
Qui écrit le ciel sous les bombes des avions?
Dis moi, que restera t'il de notre âme, dis moi?

Qui dessine la terre et les maisons et les bulldozers?

Tu déposes tes yeux en mes mains
tu me racontes que tu es fils d'une terre sans terre
tu pleures
Qui écrit l'histoire, tu me dis, qui écrit l'histoire?
Qu'écriront ils sur ma tombe
moi sorti du ventre de ma mère
numéro sur une feuille
qu'écriront ils sur ma tombe
moi qui n'ai pas de papier?

Que restera t'il du monde arabe
quand la Palestine aura disparu?
Qui écrit l'histoire, dis moi, qui écrit l'histoire?

Où sont les oliviers de mon grand-père
la voix de Mahmoud Darwish
le parfum des petits matins
le rire des enfants?

Que restera t'il du monde arabe, dis moi, dis moi,
quand la honte aura éteint le monde?
Que restera t'il du monde arabe
à moi qui n'ai pas de nom?

Qui écrit l'histoire, dis moi, dis moi ?
Qui écrit le sang et la douleur?

Que restera t'il du monde arabe hormis la honte?

Dis moi, dis moi, qui écrit mon histoire?
Dis leur que je suis fils sans terre, sans nuages, sans ciel
Dis leur...
Dis moi, dis moi, qui écrit mon histoire?
Qui dira mon nom, dis moi?

Dis moi...

Mariem mint DERWICH

mercredi 27 mars 2019

Fractales

Une absence
miettes, doigts perdus sur un livre
mes nuits
puzzles
Émietter un mot
un mot après l'autre
dépouiller jusqu'au bruit
                         - une absence est un silence lancé aux vents -
fermer sa langue
froisser un foulard
                         - ton absence est un silence lancé aux vents -
Au bout du monde
un grain de sable
mes aubes
Plus de corps
mains ouvertes

S'allonger aux frontières
terres mers déserts
semer des gestes
fractales, lumières

Compter dans le noir
retenir son souffle
le coeur écrit un battement
chiffres magies d'une femme absence
fractales, le mur
fractales, le mur
La nuit vient de balbutier
                         
                           -  absence, silence, vents  -

J'émiette une absence
je construis ma maison de la côte
j'allume la lampe
pour qu'un voyageur habite un chemin du retour
J'ouvre le livre des voiles
La mer monte

Silence, vents

Mariem mint DERWICH









samedi 23 mars 2019

Nuit du bord du monde

Au bord du monde
Une femme
compte les étoiles dans l'eau
Et la nuit s'allume

Arpenteurs d'infinis

Ma bouche à tes silences

Ne dis rien,
je dors en ta paume

Un mot émiette l'absence

Ne dis rien,
je dors en ta paume,
je compte les étoiles dans l'eau
Et la nuit s'allume

Mariem mint DERWICH





jeudi 21 mars 2019

Entre une marée basse
et une marée haute
mes chevilles colliers de sable,
bagues de sel, orteils
Une algue écrit une île
Entre une marée basse
et une marée haute
un bateau
Et un sommeil...

Mariem mint DERWICH

dimanche 17 mars 2019

La première nuit du monde...

Une musique pour les nuages
et une musique pour le ciel
une musique pour la femme
une musique pour l'homme
une portée qui s'écrit soudain plurielle

L'heure des oiseaux qui rejoignent la mer
le vent salé
le mouillé sur la peau
la première étoile
la première nuit
la dernière nuit

Un phare s'éveille

Mouvement de la vague qui monte
marées
forêts marines

Et une prière pour l'horizon qui s'habille de pourpre

Une main immense posée sur mes yeux
une voix qui s'enroue dans une note
le bout du monde gouté à une bouche
l'argent d'une étoile

L'heure muette du vol de ceux qui sont libres
l'heure marine
l'heure des terres et des ports
l'heure sans temps

Un silence prend la couleur des histoires du fond de la mer
La nuit balbutie le battement de coeur d'un phare

Pénombre vivante
mes yeux battent la mesure de l'instant qui s'est arrêté
ils écrivent les mots et la musique

Un homme s'est endormi
il rêve qu'il vole
il rêve une voile si infinie qu'il ne reviendrait plus de derrière l'horizon
arpenteur et homme debout
il rêve pour que ma main se pose à sa respiration

Un phare danse une nuit, le présent et l'éternité
il n'a pas de passé
il ne bat que de l'avenir de la seconde qui s'en vient
l'homme de la mer ne vit pas l'avant
il est né pour la seconde contenue dans la seconde

L'heure intime
Grands larges
temps muet
temps du voyage
temps de l'épure
Le chant de la mer a effacé l'horloge

Un homme et une femme dorment

C'est la première nuit du monde.

Mariem mint DERWICH




mercredi 13 mars 2019

Mon si lumière, mon si frisson,

mon écriture repart ce soir en des nuits où dans ton sommeil tu te retournais soudain et ton corps qui bordait mon monde. Et moi les yeux ouverts à écouter ta chaleur, surtout ne pas bouger, ne pas rompre la magie de ta main sur ma peau et ton sommeil pour horizon.
Rester immobile pour garder ton souffle en ma nuque, l'arrondi de ton corps au mien, le léger tempo de ta respiration. Être sensible à tout, entendre chaque soupir de la maison, le grain feutré de l'air dehors qui s'endort dans la brume venue du large, la fraicheur sur ma peau, la lumière qui balaie la chambre, toi qui dors contre moi.
Dans ma tête une autre page tourne, elle ouvre sur une plage où je suis bien. Je suis dans la rondeur amoureuse et dans la plénitude. Je ne bouge pas : je n'ai jamais connu ceci, cette harmonie douce, ta grande main d'homme mien posée sur ma peau.... Je n'ai jamais connu cela... Comment ai je vécu sans ces nuits où tu dors près de moi, le monde accroché aux fenêtres, à l'obscurité pâle de ces nuits de là bas ? Comment ai je pu penser que je vivais alors?
Ce soir je suis toute repliée en ta main et ton bras qui se fait lourd sur mon bras... Et j'aimerais qu'il soit encore plus lourd, qu'il m'enfouisse en toi, qu'il ne me laisse pas partir, qu'il se tatoue à ma peau. Je suis bien en ton bras qui me tient, ton bras qui me dit que je suis tienne. Je ne suis pas de ces gens qui parlent d'indépendance ou autre. Moi je t'aime en me sentant tienne, absolument tienne, t'appartenant parce que j'ai choisi de t'appartenir et que cela me rend heureuse. Tu ne me tiens pas prisonnière : tu me retiens en toi, en nous. Et cela n'est pas prison. Cela est amour.
Cette nuit je suis en nous, là où l'odeur de sel et l'odeur de l'herbe mouillée s'allongent en la pénombre habitée par une lumière amante. Je suis en nous et je t'écoute dormir en ma peau. Et j'écoute mon coeur qui est en paix, la certitude que je suis enfin chez moi en ce bras qui me tient.
Cette nuit je suis femme arrivée au bout de la route. Rien d'autre n'existe que la poésie en moi, celle qui te parle sans paroles, celle qui parle à ton sommeil. Je prends ta main endormie en ma main, le dur des phalanges, la douceur de la peau, la moiteur, le délié de ta si belle main d'homme, ta main de bâtisseur, ta main amour, ta main aux autres, ta main à moi....
Je suis bien, si bien... Je peux laisser la nuit me prendre : tu es là, tu me protèges, je t'aime, tu m'aimes en ton corps endormi au mien, mon homme chaud, chaud, lumineux....
Je t'aime.
Une dernière fois mes paupières ouvertes pour graver en ma mémoire une nuit du bout du monde en la tendresse amour d'un homme mien...
Puis t'emporter en mon sommeil...
Tu vis pour l'infini en mes sommeils, pour l'infini... Je ne respire que dans cette mémoire : tu y es...
Je t'aime.
MMD

mardi 12 mars 2019

Je t'amour mémoire.

Poser une lettre après l'autre et un paysage devient multiples des mondes, un monde en un monde, un monde qui ouvre un monde intérieur; poser un accent sur des rochers, une virgule sur un ciel de fin de jour, des points pour suivre les chemins des grands oiseaux, déchirer l'air, l'ouvrir à tous les vents, petits papiers odorants et une marée qui monte...
Écrire les espaces. Les porter. Une mémoire est ma maison, j'ouvre les fenêtres, j'accroche un souvenir aux murs transparences, je froisse les draps d'un lit pour que des fantômes endormis s'en aillent au bout de leurs sommeils attraper le soleil rouge qui lève les jours dans les brumes de la mer, je dessine une musique, j'écris une lettre qui ne partira jamais, j'endors un enfant en ma voix et mes bras, je parsème sa nuit à venir d'histoires et je le berce entre les pages d'un livre, j'essaime un désordre familier, je range des chaussures qui racontent les chemins de la côte, les voyages lointains, la parole de la terre, le mouillé des herbes sous la semelle, le sable enfoui, le salé des algues, le moiré somptueux de l'eau mer et le pied arpenteur qui va toujours plus loin. Je laisse la porte de ma mémoire maison ouverte pour que les étoiles y entrent la nuit et s'enfuient aux petits matins rosée, je traverse un jardin doucement, petits pas, petits pas, je prends un livre en mes mains, j'écris l'odeur du café et l'amertume sucrée sur la langue. Je déroule mes doigts à ta peau, doucement - ne pas effrayer le frisson soudain - je laisse la trace fugitive d'un mot d'amour en ta paume pour que tu laisses s'envoler le petit mot aimant au gré des paysages et que je le rattrape à ta main qui, soudain, reprend la mienne, le doux, le puissant de 2 mains qui s'aiment...
Dans ma mémoire maison je marche doucement et j'écoute les murs... Il faut entendre. Il faut entendre car, bientôt, mes yeux seront aveugles et ne me resteront que les murmures.
La mémoire se fait soudain sons... Les sons touchers, les sons rires, les sons soupirs, les sons silences, les sons aimer, les sons mots et les sons peau...
Je te regarde dormir dans ma mémoire maison, je te sens de tous mes regards amants, j'en fais des mots à poser à ta bouche pour qu'un jour tu te souviennes que tu es poésies et qu'il suffit de s'aimer pour libérer la beauté en nous. Je te regarde dormir. Le monde a retrouvé son axe dans les grandes ondes de mon coeur. Mouvances et ta respiration apaisée. Et moi qui dénoue la statue de pierre, moi qui apprend qu'un homme endormi dans le calme d'une après midi douce m'est port, abri, tendresse, lien, ancre, charnel, vivant, si vivant derrière ses yeux fermés et dans le battement lent de sa respiration.
Je te regarde dormir. Ma mémoire maison est voilier dans l'immensité d'un homme et d'une femme qui s'aiment. Autour de nous la mer. Nous sommes alors devenus phare, ce phare qui nous attendait depuis tant de temps, qui a regardé l'horizon sans faiblir, défiant tempêtes et nuages, pour que nous trouvions le chemin de lui et nous rende à nous, à l'autre. Nous sommes devenus ce phare et sa lumière. Ce phare qui m'a appelée depuis tellement et tellement, tant et tant et que je cherchais à travers les histoires de mer que j'écoutais alors... J'étais en route vers lui et vers toi. Pour ma mémoire maison, pour qu'une histoire d'amour redevienne vie et vérité.
Je te regarde dormir et ta femme du bout du monde respire soudain femme ancrée.
Je deviens immobilité. Enfin. Enfin... Je suis en vie et tu es là.
Dehors, dedans.... Et nous... Une femme et son homme.
Je t'aime.

MMDERWICH





dimanche 10 mars 2019

Dérives...

Pour t'aimer
je dépouille ma peau 
mon visage et ma bouche et mes mains
j'effeuille mes yeux, aveugle pour te voir
je rends l'eau aux sables
je tords les temps
la fin est commencement
temps du rien
temps du tout
temps mon homme
le commencement est perpétuité

Je redeviens jeune fille
khôl, parfums, soie, jambes, flancs, seins, odeurs
Je suis fière, je suis la pluie, je suis bateau
Je suis métisse ta peau, je suis métisse ton corps
Je tresse mes désirs, je tresse l'amour
en cheveux étalés sur une lettre infinie

Je lave mon sang
je quitte mon père
je deviens mes mères et les mères de mes mères
je suis la note sur une corde
tribu perdue, la voix du poète
soleil blanc, soleil ta bouche
soleil mon amour

Pour t'aimer
j'invente une terre, îles mers, îles dunes
je dépose mes fatigues

Je suis cette femme qui court
bras ouverts sur les larges
Elle court pour t'aimer
avant la fin des jours
avant la mort des étoiles
soleil rouge, soleil noir
verticale de mon ventre
ombre de ta silhouette
l'ombre de l'ombre
l'ombre et la lumière
après les vents 
ta voix

brûlures, béances
morceaux de moi
dérive des mots
folie sagesse
mon amour, mon amour
je suis celle-là et celle-ci
mon amour, mon amour

Pour t'aimer
je m'éveille nom
nom tes mains, nom ton rire
nom de moi

Je t'écris

Mariem mint DERWICH


Reprendre ma lettre d'un bord de moi, d'un bord de nous, dans la tendresse paresseuse d'une fin d'après midi.
La reprendre pour qu'une mémoire se fasse lumières. Raconter la douleur du vide mais aussi la plénitude du sentiment amoureux. Raconter que je t'aime. Même dans cette petite fissure en moi.
Écrire parce que nous sommes aussi écriture, une femme et son homme dessinés à l'infini des mots et de la poésie.
Repartir sur le chemin de l'absence présence, dans ce qui bouge en moi. Dans ce toi qui m'habite.
Redire ma prière amante.
Pour tes yeux posés dessus, pour mes doigts qu'ils effleurent. T'aimer ainsi. Comme je t'aime depuis tant de temps, familiarité amoureuse. Je t'aime.
Briser le manque. Je t'aime dans ce manque, même si cela me fait mal. Je t'aime même quand je ressens parfois de la colère envers toi.
T'aimer aussi dans l'impatience.
Je t'aime. En tant qu'homme mien, gardienne de nous, gardienne de ce qui fut et de ce qui est.
Peut être te rendre aux rêves. À toi.
Homme mien.

Mariem mint DERWICH

La baleine bleue...

Une petite fille murmure à une femme
les contes de la baleine bleue
contes des infantes perdues
poétique des profondeurs marines
phares du bord du monde
les étoiles inversées 
les jambes qui battent les aubes crépuscules
et les mains prières amantes

Elle chuchote qu'il faut laisser le ciel aux goélands
les bateaux aux marées
les corps aux vents qui battent les côtes
les yeux aux coeurs
le bleu à la baleine qui trame la mer
une femme à un homme

- ma bouche au creux de ta main -

Le monde déborde en des lointains 

À un chemin de landes et de voiles
une femme écrit sur un corps
bouts de bois assemblés
lettres tremblantes
à l'épaule caresser l'alphabet
le mot d'amour
et le chant de la baleine bleue

- je marche -

Je marche pour qu'un phare vive

- je marche -

Nomade du bout du monde
j'encre mon regard à l'horizon
j'ancre mon regard à la mémoire
pour que la baleine bleue
en ses voyages lointains
dessine tous les bleus des notes amoureuses
les bleus indigos
les bleus de l'eau
pour qu'une baleine bleue dépose en l'homme 
du bout du monde
la lettre d'une amante
la lettre bleue

- un phare m'attend, gardien de l'éphémère -

Nous sommes...

Mariem mint DERWICH 








jeudi 28 février 2019

Conte d'une nuit bleue...













Un seul murmure sur le seuil de ma mémoire

Le soleil se couche
la nuit s'en vient
là où ta voix
lie la bruyère et l'eau
ma peau et le vent
le bleu et le blanc
la roche et l'algue
tes yeux à mes mains
ma bouche à la musique
et mon corps devenu voiles

Simplicité du mot
et toi qui dors dans le soleil
- l'herbe voyage
dans le sel de la mer -

Un seul murmure
ma maison bruisse
pas et bois et étoiles
elle attend
le mot, le mot
le bleu du mot
et l'odeur du café le matin

Tu déposes ton iris en un livre
- le chat est entré
tu ne l'as pas vu -
mot, mot
mot bleu

Sur le seuil de ma mémoire
une valise se referme
habits éparpillés
je suis le chemin de sable
il mène à ton sommeil
petit poucet
- petit poucet mon coeur -
le bleu du mot
le bleu de la mer

je pose à ton front
les lettres de mon nom
je sème
une virgule, un point, une parenthèse
un parfum
une nuit sur ton épaule
allongée
et le bleu du mot
le bleu de toi

Tu soupires en ta nuit
une lumière balbutie 
des histoires de bateaux
- je t'écoute, je t'écoute,
en mes doigts sur ta peau je t'écoute -

Tu soupires en ta nuit
enfant, homme
bleu de moi
bleu de nous
effeuillé en un conte pour partir

N'ouvre pas les yeux
garde moi derrière tes paupières
sur le seuil de ma mémoire
dans le bleu de là bas
le bleu de là bas

Les choses retrouvent leur place
bleu de nuit
bleu de ciel

et je navigue sur tes paupières
- Je suis là -


Mariem mint DERWICH 







mardi 26 février 2019

Diagonale du silence

Diagonale du silence

Juste le vent
juste le...

Diagonale du silence
qu'ai-je donc à courir dans la rue
à demander aux passants
                                                  M'avez-vous vue?
Diagonale du silence

Une femme a perdu son nom
ce petit nom
ce petit nom qu'elle avait sorti de sa valise
                                                  M'avez-vous vue?
Diagonale du silence

Juste le vent
juste le...

Une femme enroulée dans un lit d'hôpital
elle attend
Diagonale du silence
absence

absence

Une femme a crié
tant crié
lit de misère
vent de sable
                                                  M'avez-vous vue?
Diagonale du silence

silence
silence

Juste le vent
juste le...

Elle a fermé les yeux
si fort qu'ils se sont ouverts
Nuit
lumières
nuit
nuit
nuit

Il n'y avait personne

Diagonale du silence
verticale
horizontale
son nom
le mim du début
le mim de la fin,
Entre
rien
                                                  M'avez-vous vue?

Mariem mint DERWICH




jeudi 21 février 2019

Grands larges

Marin des étoiles
as-tu bu la neige blanche et la neige noire
celle du début du jour
et celle du milieu du ciel de nuit?

          la mer, la mer

Aux vents des larges
un homme rêve

je rêve aussi

Marin du bout du monde
un homme tient l'horizon encagé en ses yeux
marin des étoiles, marin de la nuit

          voile, voiles

Marin homme fils de l'homme
sur la terre de roches et de sel
as-tu endormi une femme
dans le silence blanc de l'appel de l'eau?

          la mer, la mer,

Marin des marées
donne moi l'étoile de mer
pour la rose des sables
donne moi, marin,
et le bois et les bouts
et les phares
et les oiseaux
et les nuages
et la mer soudain pluies

La mer, la mer,
pour un homme qui dort
son rêve de lointains
enroulé en ses yeux de brume

Rêve marin, rêve
dans l'opaline d'une nuit

Un homme rêve dans le sommeil d'une femme
endormie au bout d'un quai
Elle est gardienne des horizons

Là bas un marin des étoiles dort
dans le souvenir de l'eau contre la coque
et du sel sur les lèvres
Il dort

Je ferme les yeux pour qu'à ma nuit
un homme s'éveille et arpente mes rêves
J'y ai déposé le frisson de l'eau, du vent, de l'aile d'un oiseau
sur le ciel découpée

Et je lui dis :
marin au milieu des étoiles
va chercher ton nom perdu et mon nom éparpillé
homme des larges
va
va pour qu'une femme referme ses bras
et allume un phare à la fin de la terre

Tu as mon sommeil et toutes mes nuits
pour naviguer encore
encore
encore

Grands larges...

Mariem mint DERWICH












samedi 9 février 2019

La première fois...

Là bas... il y eut le premier réveil à l'heure où le ciel s'allume doucement au dessus d'une maison endormie. Entendre les cris des oiseaux, notes criardes après la ouate d'un sommeil bercé par la lumière d'un phare des confins, faisceau battant mes paupières... Nuit écoute, nuit apprentissage. Le bréviaire des sons d'une terre inconnue, l'émerveillement en cette nuit qui ouvre les fenêtres, fait de la chambre un bateau allongé entre ciel étoilé et monde qui murmure sa langue de l'obscurité. Et, toujours, ce grondement lointain, ce battement sourd qui dit la mer.
L'étrangeté de cette nuit que le jour a mis du temps à accepter... Là bas et ses jours d'été qui traînent, paresse du départ.
Sortir... Sensations pures dans la douceur d'un réveil engourdi : le vent si léger, vent métis, fils du Nord et de l'Ouest, l'humide sur la peau, le sel en odeur particulière, un peu acide, comme une gourmandise. Un soleil qui se fait étoile, nébuleuse rouge, voie lactée de feu... La peau en frissons : c'est beau la rencontre avec une terre de la fin de la terre, une frontière abolie. C'est le retour à l'avant de l'avant, l'instant étincelle, entre brume dentelle et le ciel qui s'embrase de pourpre, entre la dernière étoile et le bleu qui s'en vient... entre le cocon d'une maison blanche endormie et ce qui vient, ce qui nait, ce qui bat...
Ouvrir le chemin vert pour la première fois, tatouer les traces des pas dans ces herbes alourdies par la rosée, le mouillé sur les chevilles, le pointu, le lourd de la terre emplie d'eau et, là bas, le bruit lent et lourd de la mer...
Là bas... il y a un phare. Un phare que je dois rencontrer seule, en cette heure de création du monde.
Rédemption.
Rédemption.
J'ai marché des milliers d'années pour atteindre ce phare. Pour cet instant immobile fait de sons, d'odeurs d'eaux salées, de marées, d'algues, de mouillé, de doux, de pierres, de contes, de nuages éparses qui s'accrochent à des îles, de maisons aux toits noirs allongées sur la côte, de vent discret que l'on ne voit qu'avec la peau et le frissonné dans les cheveux...
J'ai marché des milliers d'années pour ce bout de la terre.
Je pleure. Je suis face au phare. Je suis arrivée. Je pleure.
Il est mes histoires et mes ancêtres : minaret, cathédrale. Une prière lancée au large pour que les nomades de la mer y accrochent l'étoile des voyages et des retours, le souvenir de la chaleur d'une maison, d'une tente...
Déposer ses racines. Enfin.
Nomade. Phare. Mer. Eau. Feu. Bateaux. Port.
Rédemption.
Là bas...
Et, dans ma mémoire, l'infini de ce premier matin à la rencontre d'un phare de la fin de la terre dans la splendeur d'un soleil levant...
Là bas...

Mariem mint DERWICH


jeudi 7 février 2019

Là bas la mer...

Là bas...
C'est beau la mer; c'est un destin liquide, le rappel du ventre maternel, du premier frisson de vie, l'instant où tout se crée, ce hoquet fulgurant, presque douloureux, le cordon ombilical de l'histoire de l'homme.
À la puissance, à l'absolu de l'eau la terre s'efforce d'opposer l'immobile, l'encadré de paysages noyés de regrets, la lourdeur familière de la boue sous les pieds, la sacralité des cathédrales, phares de terre qui répondent aux phares de mer, l'élan vers les nuages, doigts de pierres, mains de pierres, toits de pierres... Et les calvaires croisés lors de balades comme paroles liens entre l'eau et la terre, le mouvant et le dur, le façonné, l'âpreté des rochers et l'écume, l'homme et la femme, masculin femelle, femelle masculin. Le masculin du maçon et le féminin de la parole des prières. La douleur est femelle en ces terres mers, en ces continents métis où les noms de ceux qui ont disparu ont brodé une mémoire du bout du monde. La douleur est si femelle : elle parle aux hommes, dans la nuit infinie des prières de celles qui restent à quai, gardiennes de terres, calvaires de veuves, lampes dans la nuit, ex voto amoureux... Il faut du féminin pour garder en vie...
Aux mers il faut des fins de terres. Des fins du monde de l'homme, des fins de l'homme. Il faut recevoir les abysses et les marées pour rendre leur fragilité aux choses de l'esprit, leur éphémère, l'essentiel enfin, le silence. Recevoir ces terres d'eaux, en boire le salé, le piquant, le vent et la houle, les grands marnages et le varech, le goémon et les petits peuples qui tapissent les déserts sous l'eau, les oiseaux, le bois des coques et le chant des cordages.
Recevoir encore et encore l'émerveillement d'une avancée rocheuse dans l'eau qui gronde en vagues et ressacs absolus, noyer, se noyer, dans le battement contre la roche, l'appel des fonds... Oser lever le regard et empoigner un horizon soudain si immense qu'il devient univers, planètes étranges, silences  bruyants des étoiles mortes, anneaux et abandons...
Ouvrir une île dans le lointain - et les histoires des livres de l'enfance qui deviennent tableaux vivants, sortis des secrets sous les draps - ouvrir une île et la mer se fait féminine. Masculin féminin. Féminin masculin.
Là bas...
Là bas la mer...
Là bas...
Et un phare pour que les nuits ne soient pas qu'obscurité et peurs de l'homme dans le noir. Un phare pour que la mer écrive, enfin, les histoires vues de l'eau.
Un phare...
Là bas...Lumières....

Mariem mint Derwich


samedi 5 janvier 2019

Route...














Te souviens-tu du ventre de ta mère?
Et te souviens-tu du nom de ton père?

Je fus déposée à la dune
pour enjamber mon ombre
j'ai quitté un départ
comment quitte t'on un départ, dis moi?
Dis moi...

Oui, dis moi, dis moi toi l'oiseau
toi l'oiseau de feu qui a annoncé ma naissance
Dis moi...
Comment quitte t'on un départ?

Te souviens-tu du ventre de ta mère?
Et du nom de tes ancêtres?
Dis moi...

J'ai étalé mon corps expulsé
oasis après oasis
après mon ombre
au-delà de ma silhouette perdue
Dis moi...
Comment quitte t'on un départ?
Quelle route entre une arrivée et un départ?

Te souviens-tu du ventre de ma mère?
et du nom de mon père?
Et de mon prénom, oiseau de ciel, oiseau de pierres,
Dis moi...
Comment quitte t'on un départ?

Je marche, je marche
je cherche le ventre de ma mère
le nom de mon père

Comment quitte t'on un départ?
Dis moi, dis moi...

Mariem mint DERWICH

(Photo : anonyme)

dimanche 30 décembre 2018

Terre Mer...














De mémoire et de poussière des chemins
nous voilà endormis dans le lointain
là où la terre parle à l'eau

Et moi je ramasse la poussière et la mémoire
je veille
j'éveille

Je prends la poussière et je construis un corps
morceaux par morceaux
chemin inversé
le délié d'une main
la courbe d'un cou
un caillou ramassé au bord de la mer
et un oeil s'ouvre

Je prends la poussière et le chemin et le corps
je pars vers la mer
je pars vers la nuit
je pars suivre la lumière d'un phare

Et moi je ramasse la mémoire
j'y pose le corps reconstruit de la poussière et des chemins
Je ne rends pas la mémoire à la poussière
Non
je rends la mémoire à la vie

Un galet, une algue
odeur de la peau
sel pour une langue enfuie de la poussière

Et moi je ramasse la poussière et la mémoire

Ma mémoire s'ouvre mer
chemin côtier
ports et bateaux
vents

Et moi je ramasse la poussière et la mémoire
étoiles d'homme, éclat

Je pars vers la mer
je pars vers la nuit
je pars suivre la lumière d'un phare
et j'efface la poussière
je pars vers la mer
je pars vers la nuit
je pars vers l'aube

Poussière et mémoire
corps
yeux

Je pars vers la terre mer
retrouver l'oiseau
et la mémoire et la poussière

Phare

Mariem mint DERWICH

(Artiste photographe : Ronan)

jeudi 13 décembre 2018

Le silence des larmes...

Où vont les larmes que l'on ne verse pas?
Celles que l'on encage sur le temps
celles que l'on suspend sur la corde à linge de la parole perdue...
Où vont-elles ces larmes?
Elles viennent du début de la route...
du monde à l'envers, du monde à l'endroit
de la blessure de la terre, du limon qui est chair du coeur.
Elles sont le chemin inversé, l'aride, la mer vidée de ses marées

Où vont les larmes que l'on ne verse pas?
Voyagent-elles, usées par les barreaux,
dans d'autres yeux, sur d'autres joues?
Voyagent-elles en nous, malgré nous, envers nous, contre nous?

Où vont les larmes silencieuses
et les cris
et la plainte
l'absurde et le doux?

Les larmes s'étouffent de pleurer
dans le silence
le grand silence
l'immense silence
le silence des pierres
le bleu des cachets et de l'insomnie

Où vont les larmes que l'on ne verse pas?

Au bout de la larme qui ne se pleure pas
un corps... un désert, un cactus qui se rêve cascade liquide
un corps...


Mariem mint DERWICH


lundi 19 novembre 2018

Le mot dernier... lumières.













Une main a épousé les vents
tous les vents
les vents d'avant l'avant 
et les vents qui viennent
les vents qui ne naîtront jamais
et les vents qui naîtront encore et encore

Quelles couleurs pour les vents et la main ?

Entre ses doigts elle souffle une note
la première note
la dernière note
le mot premier
la route du mot dernier
le chemin, le chemin cercle

Une main a épousé les vents

Elle porte mes racines perdues
une île pour maison
un silence
le sable sur ma peau
ma mémoire

C'est la route et la poussière de mes pieds
je les apporte à la main qui a épousé les vents
tous les vents
tous les vents

Une main a épousé les vents
un oiseau s'envole falaise
- racines, racines -
le mot dernier en ses ailes

Une main a épousé un oiseau
pour ma chevelure et le bracelet à mon poignet
pour qu'une petite graine enfouisse mon nom dernier
mon nom premier
entre la terre et le ciel
dans la main qui a épousé les vents
dans la terre salée

Une main a épousé les vents
et un oiseau est devenu femme
et une femme est devenue arbre

Une main a épousé les vents
un jour de tous les vents

J'ai entendu le mot dernier

Une main a épousé les vents
elle m'a offert le mot ultime
celui qui me fut donné à ma naissance
le mot perdu
aveugle
identité
nom

J'ai entendu le dernier mot
et la main a épousé les vents
dans le mot premier rendu au nom dernier

Je possède un nom mot aile falaise vents main
Il est mon dernier
sur ma bouche close

Une main a épousé les vents

Vole l'oiseau
vole
dis lui qu'il a mon mot dernier en les vents en sa main épousés
mon nom
vole
vole
une ligne de vie porte mon nom ultime
le dernier mot

Mariem mint DERWICH

(Artiste : Paul W Ruiz)





vendredi 9 novembre 2018


( Institut Français de Mauritanie, IFM, Nouakchott, le 8 Novembre 2018. Rencontre " Jazz et poésies" pour l'ouverture du Festival JazzPlus de Nouakchott. )

jeudi 1 novembre 2018

Poème amoureux...

Tu viendras toujours du côté des larges,
des lointains, des infinis lointains,
du vent dans les cheveux
d'un horizon qui a la couleur de tes yeux

Tu viendras toujours de par delà le mot,
un silence écrit en ta paume
l'ourlé de tes lèvres
une poésie à déposer en moi

Tu viendras toujours
comme ce soir là
conter à une femme repliée sur elle-même
qu'elle est une danse
qu'elle appartient à tes mains
à la musique dans une pénombre
à une odeur au creux d'une épaule

Tu viendras toujours du côté de ce qui est beau
tu me diras encore et encore
qu'il faut une mer à l'homme qui aime
et une voile pour qu'une femme renaisse

Tu viendras toujours marcher au bord de mes yeux
ouvrir tes bras et m'y endormir

Tu viendras toujours mon amour

Alors je te dirai qu'un homme m'a donnée une vie
un nom, des racines, un livre à colorier
une étincelle malicieuse dans un rire

Je te dirai que cet homme m'a appris tant de choses
qu'il a arrondi ma vie en nuits et en jours
qu'il m'apprend tant
la plénitude, le silence profond, le frisson, l'instant parfait
des livres partagés
des musiques pour habiller nos heures
le sucre et le sel
son corps pour terre à arpenter
sa vie pour ma vie
simplicité des petits bonheurs amoureux

Je te dirai que cet homme ne sait pas qui il est
qu'il est cette fragilité qui m'aide à m'endormir
que son odeur a la tendresse d'un rideau de ciel
Je te dirai qu'en cet homme le monde marche
il ne le sait pas
Je te dirai que j'ai veillé sur ses sommeils
que mes doigts ont cheminé sur ses rêves,
sur sa peau, dans le creux d'une respiration
qu'ils ont effleuré ses larmes
et frémi sous sa paume

Je te dirai, de cet homme,
qu'il est beau, qu'il sait danser le vol d'un oiseau
qu'il marche et moi je chavire
Lui diras-tu à cet homme que je l'aime?
Lui raconteras-tu ses doigts qui prennent les miens?
Lui murmureras-tu qu'il a rendu une femme à son histoire?
Lui diras-tu ?

Je te dirai cet homme mien
mon immense, mon magnifique,
mon immense, mon magnifique

Ouvre ta main
ouvre la livre
ouvre la amour
mon amour
ouvre la fort

Ouvre la douceur
pour que j'y dépose l'histoire de tout ce qu'il est

Je te dirai cet homme là


Mariem mint DERWICH







lundi 29 octobre 2018

Assieds toi...











Assieds toi face à moi
pose ton regard en mes mains ouvertes
Assieds toi et écoute...

Je dois parler, parler encore,
parler pour lier les mots
parler jusqu'à l'abîme
assécher les jours
rendre une phrase oasis
écrire une histoire
- tu aimes les histoires -
elles te rappellent que tu marches 
que tu marches dans le rêve d'une femme
le rêve qui rêve qu'il ne s'éveillera pas à l'aube

Assieds toi
Je t'en prie assieds toi

Regarde, je suis à genoux
vois tu mes yeux?
Horizontale de nos iris ponts
Assieds toi pour que ma parole
arrive à ta bouche

Écoute...

Assieds toi
j'ai fermé mes paupières
pour que tu voies mes yeux
cils et cils
mots après mots
Ouvre ton regard sur mes paupières closes

Assieds toi

Il me faut du courage tu sais
le courage des résistants
et le courage des lâches
- il me faut du courage -
pour oser fermer mes paupières sur tes yeux ouverts

Assieds toi mon amour
mon amour
- mon amour -
je suis à genoux
draps défaits de ma mémoire
courage des résistants
courage des lâches
entre eux juste une zébrure
celle de la parole avortée

Assieds toi
je t'en prie
assieds toi
Vois mes paumes
cartes de ce qui danse en toi
en nous
petits chemins parsemés de cailloux blancs
balayés par le sel
tamisés aux lumières qui guident les peurs des marins

Assieds toi
je dois te dire le simple
l'âpre
le sucré
l'amer
le miel
la naissance du monde
et ma parole de femme tienne
moi la nomade qui parle à l'homme perdu
deux mondes, intersections,
mon courage des résistants
mon courage des lâches

Assieds toi
Tu dois t'asseoir face à la trace de mes genoux dans la poussière
sinon à quoi servent mes yeux derrière tes paupières?

Assieds toi
et écoute
Je t'aime. 

Mariem mint DERWICH
 
(Artiste Isabelle LEVEL)






jeudi 25 octobre 2018

La lumière et les censeurs













Je ne sais que t'aimer
et pour ce crime
ils disent que je suis devenue impure
que j'ai oublié Dieu
que j'écris ton corps et ton nom
que le feu me guette
quand moi je parle de lumière

Je ne sais que te dire et dire et dire
et la nuit dit avec moi
les mots des amants
les mots des yeux
elle parle, la nuit,
la nuit africaine, la nuit de la femme,
la nuit bavarde de tous ses silences

Ils disent aussi que je brûle la poésie
que je tue la rime et la rythmique aux roulis de mon corps
que je suis l'impudique
la fille perdue
la lapidée
l'immorale

Pourtant je ne sais que te murmurer et murmurer et murmurer
et la mer murmure avec moi
le geste devenu caresse
le geste devenu musique
Que savent-ils de l'alphabet du monde?

Le ciel, les nuages, la pluie, les étoiles, la mer

Je ne sais que t'aimer
alors ils essaient de tuer la beauté
mes yeux et ma peau
le chant
Ils ont la morale pour horizon

Ne savent-ils pas que l'horizon est une femme?

Je ne sais que t'aimer
arrondie en la matrice liquide
je compte mes doigts
je compte mes cheveux
un mot et un mot
Je dis Ta main
Ils crient que je mérite la mort des pierres
le fouet
que l'on doit couper mes lèvres
moi l'offensante

Je dis l'amour
ils disent la mort

Où sont leurs mères?

Je ne sais que t'aimer
Interdit, permis,
permise, interdite,
Impur, pur,
pure impure

La mer dort-elle derrière des barreaux?

Je ne sais que t'aimer

Ne savent-ils donc pas que j'aime?
Où sont leurs mères?
Où sont leurs mères?
Ne savent-ils donc pas que je t'aime?

N'entendent-ils pas la rime perdue?
Le monde renaît à chacun de mes Je t'aime
Pure impure je suis
Je ne sais que t'aimer

Mariem mint DERWICH

(Artiste : Camille Claudel " L'abandon")










mardi 18 septembre 2018

Amour, amour mien,
de présences en absences, une histoire ré inventée au fil de ces allers retours, de ces départs et de ces retours, comme des vents qui tourneraient sans fin, cherchant à dépasser l'horizon.
De mes sables des Sud, de tous mes Sud, à tes Nord où tu es reparti, encore une fois... Et notre lettre infinie pour moi qui regarde vers là-haut où tu tu es. Ployer la tête encore et encore pour que mon regard traverse les déserts, la mer et se dépose dans cet autre moi là bas, tout là haut, en ton bout de terre fait île...
Tu es ici, tu es là bas, nous une ligne médiane qui lierait un Sud et un Nord, la fraîcheur d'un pays vert et l'âpreté d'un hivernage ici. Une médiane amoureuse, points cardinaux après points cardinaux, une médiane de l'absence. Elle sera courte ton absence mais elle est pointue.
Je t'ai regardé partir il y a quelques jours longs comme des siècles. Et derrière mes yeux je te suis...
Tu me manques. J'aurais aimé m'envoler avec toi, partager avec toi un automne, un frisson de nuits plus fraîches, une mer à longer, des montagnes à arpenter... Quand tu t'assois au bord de l'eau lances-tu tes yeux vers mon Sud?
Me racontes tu mon autre terre, les arbres, un café à une terrasse, les ports du Sud, l'accent des miens?
Tu es là bas. Ton absence est dure. Je suis comme une gosse : je compte les jours de ton retour pour que je redevienne plénitude en ta présence...
Reviens nous vite... Dans la moiteur d'ici j'écris ton absence rouge sang. Orpheline.
Et quand tu seras près de chez moi, près de chez nous, dis leur qu'une femme dans les sables s'invente femme du Nord, qu'elle est prés de toi et qu'elle monte pierre après pierre notre maison de coeur...
À ton retour, quand tu retraverseras la nuit saharienne pour revenir à mes bras, je te chuchoterai une note amoureuse et tu déposeras dans mes mains un peu de cet autre pays qui est aussi mien, là haut. Tu me raconteras les forêts, les feuilles rouges et feu, l'odeur de la mousse, la mer s'assoupissant avant les tempêtes d'hiver, le coucher du soleil sur les montagnes, la voix de ma mère qui dort là bas, l'odeur des figues, l'acide du raisin que l'on ramasse, les vignes qui flamboient, le bruit des châtaignes sous les pieds. Tu me raconteras la mer, l'odeur du sel, nos petits ports endormis, l'odeur des algues, la trace de tes pas sur le sable.
Bientôt tu seras là. Bientôt c'est maintenant. Ce moment d'écriture à 2...
Je t'amour mon homme si mien, si aimé, tant aimé... Je compte les jours.

MMD


jeudi 13 septembre 2018

L'oiseau et la main

Il y a dans ma mémoire le vol d'un oiseau et la main d'un homme qui danse les ailes, le lent arpège d'une vie allongée sur un vent, le mouvement dans l'immobile.
Et la main de cet homme qui raconte l'espace avant le changement de direction de l'oiseau.
Il y a dans ma mémoire cette main qui écrit que sur les vents nous vivons, qu'une falaise n'est qu'un ciel battu par des souffles, que nous devenons devenir oiseau pour que nos mains vivent.
Et la main de l'homme et l'oiseau dansent, dansent pour la femme qui regarde.
Il y a dans ma mémoire cet oiseau paresseusement adossé aux vents, appuyé à l'immense et le murmure de la main de l'homme pour me dessiner le vol de ceux qui sont libres, nés aux vents, renaissants en eux...
Et mes yeux qui regardent l'oiseau et la main de l'homme, juste dans cette seconde avant la seconde, le ballet harmonieux, la longue descente puis la remontée et la main et sa voix pour un livre dans ma tête.
Je n'ai plus de regards. Je n'ai que des paupières closes sur des mémoires pour qu'un oiseau vole et que la main d'un homme encre les vents et leurs marées invisibles, à jamais cette falaise et un murmure à mon oreille.
Et quand je n'aurai plus de paupières je me ré inventerai à nouveau des regards pour l'oiseau et l'homme et tous les vents et tous les horizons et pour la main qui s'est faite ailes et musique.
Alors je repartirai vers l'oiseau et vers la main ailes.Et vers les vents...

MMD